dimanche 9 janvier 2011

Le "RAV" quotidien !



Bonjour Traders de tous poils !

Et si on se vidait un peu la tête des CAC 40, BX4, LVC, CALLS, PUTS, supports et résistances en tous genres ?

Personnellement, c’est ce que je fais de façon régulière, afin de conserver un semblant de santé mentale dans ce monde de fous qu’est le Trading.

Aussi, je vous propose un RAV quotidien sous la forme d’une nouvelle intitulée «Pas de retour.», que j’ai écrite pendant ces moments de « vidage » de tête.

Je n’ai aucune prétention en ce faisant, si ce n’est vous divertir et vous faire oublier, un court moment, ces satanés graphiques…

Cette nouvelle sera publiée en « mode feuilleton » quotidien ce qui vous permettra d’obtenir votre dose de RAV sans ressentir le moindre manque ;O)

Aristide
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Pas de retour.

Chapitre 1

En sueur et essoufflé, Arthur n’en avait pas moins le sourire.

Un sourire franc et lumineux, qui ne manquait jamais d’étonner. Si Patrick Brun le connaissait bien, ce sourire, jamais il ne s’en lassait. « Décidément - pensait-il en regardant son élève - ce gosse a tout pour lui : talentueux, intelligent, gentil comme tout, beau gosse et jamais la grosse tête. Comme j’aimerais qu’ils soient tous comme lui… »

Patrick Brun était instructeur de taekwondo depuis une quinzaine d’années, déjà. Il avait la chance d’exercer son métier par passion et non pas, uniquement, pour recevoir son chèque en fin de mois. A l’âge de 20 ans, désœuvré comme la plupart de ses acolytes de la cité, il a découvert le taekwondo par pur hasard, dans un minuscule dojang (nom donné aux centres d’entraînement dédiés) de sa ville, Bagnolet. Le maître des lieux était un Coréen, ne payant pas de mine, sachant au plus 10 mots de français mais qui excellait pour communiquer la technique et la philosophie de cet art martial. Dès sa première session, Patrick sut que le taekwondo ferait partie intégrante de sa vie, comme la drogue, l’alcool ou la violence gratuite formaient le lot quotidien d’une grande majorité des jeunes de son âge. Il avait trouvé sa voie et avait investi sa vie dans la pratique de cet art qui commençait a peine à se développer, à l’époque. Il participait aux tournois organisés en France et en Europe et gagnait très souvent. Il a même eu l’occasion de séjourner en Corée du Sud pendant un mois et de se mesurer aux champions du coin. Il avait été loin d’être ridicule et son Maître - qui l’avait accompagné pour le voyage - même s’il ne disait rien était fier de son disciple et du fait d’avoir reçu les félicitations des grands pontes de la World Taekwondo Federation pour le travail accompli hors des frontières. A 25 ans, Patrick Brun a décidé d’arrêter la compétition pour se consacrer à l’instruction. Il avait repris le dojang de son Maître - reparti dans son pays - et l’avait développé, avec le succès grandissant du taekwondo en Occident.

Par le biais de son Club, Patrick avait éduqué des centaines d’enfants, leur évitant ainsi de tomber dans les dérives trop faciles des cites ouvrières, et sorti certains d’entre eux pour alimenter son département « Elites », dédié spécifiquement à la compétition. Le nombre de médailles gagnées dans les différentes catégories de jeunes l’avait définitivement aidé à recruter de plus en plus d’élèves. A 40 ans, il vivait plutôt bien de son activité et pouvait dédier 80% de son temps au suivi des « Elites », laissant la formation de base aux mains expertes de ses différents instructeurs.

Arthur était la vedette de ce groupe d’élites, composé d’une vingtaine de pratiquants de haut niveau, âgés de 10 à 20 ans. Il pratiquait depuis l’âge de 5 ans, poussé par ses parents qui croyaient dans les vertus des arts martiaux. Très tôt, Arthur avait montré des dispositions physiques exceptionnelles pour le Taekwondo : souplesse, puissance, rapidité et coordination. A cela s’ajoutait un mental très fort, malgré son très jeune âge. Fait exceptionnel, il n’avait jamais perdu un tournoi auquel il avait participé, aussi bien en France que dans les autres pays d’Europe. Depuis l’âge de 10 ans, il avait récolté 50 médailles d’or !

Bien entendu, ce parcours ne s’est pas réalisé sans sacrifices. Encore aujourd’hui, à 15 ans, il s’entraîne deux heures, après l’école ; sans compter sa participation à l’instruction des plus jeunes que Patrick impose a toutes les ceintures noires. « Les arts martiaux vous ont apporté, entre autres, une philosophie de la vie. Maintenant, c’est à vous de redonner un peu au taekwondo. Et cela passe par l’instruction », aimait-il à répéter. Mais Arthur ne se plaignait pas de cette discipline. Il adorait les compétitions et découvrait, depuis 2 ans, les joies et bienfaits personnels de l’instruction.
La salle d’entraînement était lumineuse et vaste. Quatre tatamis bleus de 12 mètres carrés divisaient l’espace. Des punching bags pendaient à différents endroits et l’on pouvait entendre le bruit mat de chaque coup de pied lancé par les autres élites, en plein effort. Des appareils de musculation tout neufs trônaient dans le fond, à gauche, à côté du bureau de Patrick. Les murs blancs recevaient des cadres montrant toute une série de personnages, dont le créateur coréen des lieux, Grand Maître Park Chung-hee et certains jeunes champions du Club – dont Arthur. A droite de l’espace, vers la zone de sparring, les murs présentaient 5 cadres rapprochés, chacun définissant (en hangul – alphabet coréen – et en français) une des 5 vertus du taekwondo : respect, maîtrise de soi, esprit indomptable, humilité et persévérance. Patrick insistait énormément sur ces concepts, à chacune de ses sessions d’entraînement. « Je ne veux pas donner des armes à un futur criminel », répétait-il. « Si vous ne respectez pas et n’implémentez pas ces vertus, ici et dans la vie en général, vous pouvez partir » clamait-il à tous ses étudiants et il soulignait plus particulièrement la notion de « respect », qu’il estimait comme étant la base d’un homme honnête. La salle bénéficiait de plafonds très hauts, amplifiant cette impression de grandeur.

- Alors, c’est bien vrai, coach ? Je pars pour Singapour ?
Patrick sourit, content de son effet.
- Oui, mon petit gars. Tu pars avec trois autres combattants et, bien sûr, moi. Et, je te l’ai déjà dit : arrête de m’appeler « Coach ».
- Oui, co… Euh… Patrick… C’est vraiment génial !
- Le tournoi débute dans quinze jours. Comme d’habitude, j’ai concocté un programme spécifique pour vous quatre. On commence demain.
- Pas de problème. Je serai prêt ! Au fait, qui sont les trois autres ?
- La Fédération a retenu notre club pour ce tournoi international et j’ai choisi Victor, Ali et… Mathilde…
Patrick avait fait exprès de temporiser avant d’annoncer la participation de Mathilde. Il savait bien qu’Arthur avait plus qu’un faible pour cette jeune fille qui, de son côté, ne semblait pas indifférente. Mais, à 15 ans, on ne sait pas trop comment exprimer ce genre de sentiments, tellement nouveaux…

Le visage d’Arthur s’était illuminé à l’évocation du nom de Mathilde, ce qui ne faisait que confirmer l’observation de Patrick.


Chapitre 2

Michael Ong observait l’effervescence qui régnait au siège de la STF (Fédération Singapourienne de Taekwondo). Il savait que le tournoi international débuterait dans quinze jours mais, en tant que membre de la commission d’organisation chargé de la sécurité, il n’avait aucune inquiétude à avoir : son pays était l’un des plus sûrs du monde et tout était déjà mis en place. Cela n’avait présenté aucune difficulté. En effet, sa qualité d’inspecteur du département des investigations criminelles lui permettait de faire bouger ses relations internes plus vite que n’importe qui d’autre…

Michael faisait aussi partie de la fédération en tant que détenteur d’une ceinture noire 4eme dan et instructeur au sein des forces de police. A l’occasion, plus jeune, il avait représenté son pays dans quelques tournois militaires et intra forces de police mais cela ne l’avait jamais vraiment intéressé. Ce qui le passionnait, dans le taekwondo, c’était l’aspect art martial plutôt que le côté sportif. Et, à bientôt 40 ans, il était toujours aussi engagé dans sa quête perpétuelle.

Il vit arriver vers lui Lee Boon Tat, le responsable des inscriptions. Michael perçut tout de suite son anxiété.

- Michael, je peux te parler un instant ?
- Bien sûr. Tu m’as l’air soucieux… Des problèmes avec les participations ?
Boon Tat avait le regard fuyant et Michael n’aimait décidément pas ça…
- Oui, il y a quelque chose qui me perturbe avec les inscrits…
- Quoi ? Un pays indésirable a fait une demande de participation ?
- Non, le problème vient plutôt d’ici…
Michael ne manqua pas de marquer son étonnement.
- Ici ? Dis m’en plus... Je ne vois pas, là…
- 3 athlètes du club de Geylang se sont inscrits.
- Comment ? Mais qui a permis à ces voyous de participer au tournoi ?, s’emporta Michael.
- Ils sont affiliés à la fédération et les combattants sont licenciés. Personne ne peut leur interdire de participer.
Pendant que Boon Tat parlait, Michael repensa au Geylang Fighting Team. Il se remémora les différents problèmes occasionnés par la plupart des membres de ce club, non seulement lors de tournois locaux mais, aussi et surtout, dans la rue. Le Geylang Fighting Team était notoire pour les activités illégales de ses membres : racket, prêts usuriers, contrôle de la prostitution (Geylang est LE quartier abritant la prostitution, à Singapour), trafic de cigarettes, etc… En clair, il s’agissait d’un gang bien connu des services de police. Michael les a connus lorsqu’ils ont participé à leurs premiers tournois, démontrant leur mépris des règles de fair play et n’hésitant pas à s’en prendre aux arbitres, juges ou adversaires quand les décisions ou l’issue des combats leur étaient défavorables.

Bien entendu, très vite, la fédération avait pris la décision officieuse de bannir le club mais la police lui avait demandé de n’en rien faire, arguant du fait que tant qu’ils participaient aux divers tournois organisés à Singapour, il serait plus facile de les observer. A partir de cette intervention du gouvernement, la fédération n’avait plus son mot à dire sur le sujet… De leur côté, les policiers, dont Michael Ong, avaient pris le problème à bras le corps et avaient opéré un nombre impressionnant d’arrestations mais cette activité n’avait jamais eu pour effet de désorganiser le gang qui continuait à sévir grâce au recrutement permanent de nouveaux membres, tous adeptes de taekwondo.

- Bon ! fit Michael. Je vais en parler au président de la fédération.
Boon Tat ne put réprimer un sourire de dépit.
- Je l’ai déjà vu, Michael. Il ne peut rien faire. C’est lui qui m’a demandé de voir ça avec toi… Apres tout, c’est bien vous qui avez refusé de les bannir, non ?
Boon Tat avait raison et Michael ne pouvait que l’admettre, même s’il avait été contre cette intervention de ses supérieurs.
- OK, Boon Tat. Je vais en référer à mes chefs. Je vais voir si on peut faire quelque chose. Entre-temps, as-tu la possibilité de retarder leur inscription ?
- Tu plaisantes ? La clôture a lieu ce soir !
Michael pestait intérieurement. Il pensait pouvoir regarder tranquillement le tournoi et le voilà, maintenant, à devoir gérer une situation potentiellement dangereuse…
- Qui sont les athlètes inscrits ? demanda-t-il.
Boon Tat se décida, finalement, à regarder Michael droit dans les yeux.
- Min Yi Er, Gopal Sanchin et… Azhar…
« Ben, voyons ! » réagit Michael en entendant le dernier nom. Azhar était le bras droit du chef de gang, l’exécuteur des basses œuvres. Il n’avait que 19 ans ! Un fou furieux, violent et, qui plus est, champion national de taekwondo. Ni Michael, ni ses collègues n’avaient encore réussi à l’appréhender. Il était assez malin pour faire porter le chapeau par un de ses hommes, à chaque intervention de la police. Cela ne les empêchait pas de savoir à qui ils avaient à faire… Mais, le pire pour Michael et beaucoup d’autres membres de la fédération, était qu’à cause de lui, Singapour détenait un triste record ; celui du premier pays au monde - depuis que le taekwondo est devenu sport olympique - à déplorer un mort pendant un tournoi dûment encadré par les règles de sécurité édictées par la WTF. Un incident qui a fait le tour du monde, au grand dam du gouvernement singapourien. « Un meurtre » corrigea Michael. Il y était. Il a vu Azhar s’acharner sur son adversaire pendant que l’arbitre, stupéfait devant tant de violence concentrée, ne savait comment réagir. Il a senti, avant qu’il ne se produise, le coup de pied circulaire qui visait la tempe de sa pauvre cible, tenant à peine sur ses jambes. Il a prévu l’issue fatale de ce dernier coup porté avec une énergie surnaturelle, avant que l’arbitre n’intervienne. Un frisson d’horreur l’a secoué avant que l’adversaire d’Azhar ne se relève pour s’écrouler, deux secondes plus tard, et ne jamais sortir d’un coma stade 4… Un sentiment de haine, fulgurant, est apparu lorsqu’il a regardé Azhar lever les bras en signe de victoire et faire un clin d’œil vers les membres de son gang qui applaudissaient à tout rompre et criaient son nom… Six mois ! Six mois que cet « assassinat » a eu lieu ! Personne n’a pu faire quoi que ce soit. Ni la fédération, ni le gouvernement. Après tout, le cadre du combat était tout ce qu’il y avait de plus légal ; les fameux formulaires de dégagement de responsabilité étaient proprement remplis et signés ; et, surtout, les associés d’Azhar avaient été très clairs auprès de la famille du défunt âgé d’à peine 17 ans… « Et, maintenant, le revoilà… », gambergea Michael. « Dans un tournoi international ! Et sil tue un adversaire étranger ? Qu’est ce qui va se passer ? Il faut que je trouve un moyen d’empêcher sa participation ! »


Chapitre 3

Mathilde regardait Arthur finir sa série de coups de pied direct arrière. Le sac de sable, bien que lourd, oscillait au rythme des impacts puissants. Secrètement, elle aimait Arthur. Elle aimait son sourire permanent, ses yeux d’un bleu azur, ses cheveux blonds coupés court. Elle rougit en pensant à ses rêves érotiques au cours desquels Arthur, torse nu, musclé et naturellement bronzé, l’enlaçait. Elle qui, à 15 ans, n’avait encore jamais connu l’amour…

- OK, Arthur ! Tu peux arrêter là.Très bien ! Bravo !
Patrick Brun était visiblement satisfait de la prestation de son protégé.
- Tu sais que si tu as le bon timing en utilisant ce coup de pied direct arrière, ton adversaire sera par terre en 2 secondes. Avec ta puissance et ta rapidité, ça ne fait pas un pli ! Allez ! c’est fini pour ce soir… Tu peux aller prendre ta douche.
- Merci Co… Euh… Patrick…
Mathilde se mêla à l’échange.
- Patrick ! Et moi ? Pourquoi tu ne me fais pas travailler sur cette série, aussi ?
Arthur se retourna et prit son air espiègle.
- Mathilde, voyons ! Tu sais bien que pour utiliser cette technique en tournoi, il faut la maîtriser à 100% ! Ha ! Ha ! Ha !
Devant la moue qui se dessina sur le visage de Mathilde, Arthur continua :
- Je plaisante, Mat… C’est pour t’embêter un peu…
Mathilde lui tira la langue.
- Allons ! Ce n’est pas un peu fini, ces gamineries ? intervint Patrick en riant. Puis, il s’adressa à elle.
- Mathilde, tu sais bien que ton point fort, c’est la contre-attaque retardée en 45 degrés. Pour le tournoi, c’est là-dessus qu’il faudra compter. Donc, ton entraînement spécifique portera sur cette tactique. Tu comprends ?
- D’accord, Coach ! fit-elle, en sachant pertinemment qu’il avait horreur qu’on l’appelle ainsi. Et elle courut vers les vestiaires en s’esclaffant.
- Quelle petite peste ! cria Patrick en faisant semblant de vouloir la rattraper.

Arthur n’avait d’yeux que pour cette silhouette svelte et agile qui se déplaçait gracieusement ; cette chevelure abondante châtain qui encadrait une petite frimousse malicieuse, parsemée de taches de rousseurs et… cette petite langue toute rose qu’elle continuait a lui tirer, tout en continuant à détaler.

- Bon ! reprit Patrick à l’adresse d’Arthur. Alors, tu te prépares pour le voyage ?
- Oui, je suis vraiment impatient !
- Tu n’oublies pas l’école, hein ?
- Non, bien sûr que non ! Je me suis organisé avec mes profs. Ils m’ont donné une liste de devoirs pour les vacances. Je pense qu’avec une ou deux heures par jour, je devrais m’en sortir.
Patrick n’avait aucune inquiétude réelle à ce sujet. Il était en relation régulière avec les professeurs du Lycée et n’hésitait pas à parler à l’élève faisant partie de son club lorsque ses résultats scolaires étaient en baisse ou que son attitude générale laissait à désirer. En ce qui concernait Arthur, il n’entendait que des louanges de la part de ses professeurs, quelque soit la matière.
- C’est bien, Arthur. On part dans une semaine. Et on a encore pas mal de techniques à peaufiner. Je vais tout faire pour que Victor, Ali et Mathilde soient fin prêts. Toi, tu l’es… Donc, tu vas plus travailler le côté endurance, OK ?
- D’accord, Patrick… Dites, c’est comment, l’Asie ?
Patrick repensa à son voyage en Corée du Sud.

- L’Asie, c’est grand. C’est magique, aussi ; en tous cas, à mes yeux. Tu sais, je ne connais que la Corée mais j’ai entendu dire que Singapour est le pays le plus occidental d’Asie. Il a malgré tout su conserver un caractère particulier, grâce à la diversité des cultures le peuplant : chinoise, malaise ou indienne. Et, d’après ce qu’on m’a dit, toutes les races vivent harmonieusement ; en incluant les expatriés – européens, américains et australiens pour la plupart – qui sont bien intégrés.
- Ca doit être vraiment super ! Et le tournoi ? Vous savez qui va participer ?
- Le tournoi international de Singapour a lieu tous les 2 ans. Le niveau est très relevé. Plus de 25 pays vont être représentés. Beaucoup d’asiatiques, bien entendu ; et les Etats-Unis y participent pour la première fois, comme la France. L’Australie aura la plus grosse délégation, avec 15 athlètes de tous âges. Ce sont eux qui ont récolté le plus de médailles d’or lors de la dernière édition. La fédération m’a d’ailleurs averti que l’australien qui concourra dans la catégorie open - la tienne - représentera son pays aux prochains jeux olympiques.
- Wooww ! Ca va pas être simple pour moi !
- Ne t’inquiète pas, Arthur. Je pense que tu as le niveau pour les jeux, aussi.
- Mais je n’ai que 15 ans !
- C’est pour cela que tu combats en catégorie open. Tu vas te mesurer à des athlètes de 19 / 20 ans.
Patrick marqua une pause. Il observa la réaction d’Arthur. Sans surprise, ce dernier ne manifesta aucune émotion particulière : ni peur, ni même crainte.
- Bon. Il est temps que je te dévoile un secret… reprit l’entraîneur. Les gens de la fédération m’ont confié que si tu atteignais au moins les demi finales, tu seras inclus dans l’équipe de France des JO.
Arthur écarquilla les yeux de surprise.
- Pour une nouvelle, c’en est une, Patrick !
Patrick rit de bon cœur.
- Tu comprends, maintenant, pourquoi je te fais travailler aussi dur ?

Jumping Back thrust d'Arthur en finale de tournoi : c'est l'or !

Après une douche réparatrice, Arthur sortit du bâtiment, le sac à l’épaule et la tête à ses rêves olympiques. Il était tard, il faisait déjà nuit mais il ne se pressait pas pour autant. Soudain, il perçut un mouvement derrière lui. Il se retourna vivement. Mathilde fut stoppée net dans sa tentative de lui faire une surprise, un peu abasourdie par la vitesse de réaction d’Arthur.
- Mathilde ! s’étonna-t-il. Qu’essayes-tu de faire ?
- Bah, je voulais te faire peur… répondit-elle, un peu dépitée par son échec.
- Ha ! Ha ! Ha ! Eh ben, c’est raté !
- Je sais...
Il reprit son sérieux :
- Tu veux que je te raccompagne chez toi ? Il est tard et tu pourrais faire une mauvaise rencontre.
- Tu penses que je ne peux pas me défendre ? le défia-t-elle.
- Tu plaisantes ? Je sais très bien de quoi tu es capable !
- Alors, pourquoi veux-tu m’accompagner ? rebondit-elle, l’air de rien.
Désespéré, Arthur fuit son regard. Il sut que le moment était venu de lui dire ce qu’il ressentait pour elle. Mais il n’avait jamais osé, auparavant. Il était assez courageux pour se défendre contre 3 voyous, simultanément, mais assez lâche pour ne pas pouvoir la regarder droit dans les yeux et lui dire, tout simplement : « Tu me plais vraiment. Je veux sortir avec toi »… « Quel imbécile je fais !» s’injuria-t-il intérieurement. Il décida de jouer l’esquive. Pour le moment.
- Allez, viens ! Ne fais pas ton bébé…
Alors qu’il la poussa gentiment, Mathilde ne put s’empêcher de se sentir déçue et en colère. « Quel idiot, alors ! Il ne comprend rien ! Ou bien, il ne m’aime pas ? Je vois bien toutes ces sottes qui lui courent après, au Lycée… Arthur par ci, Arthur par là… Gna gna gna… Peut-être qu’il aime bien une de ces pétasses. Bon ! Il faut que j’en aie le cœur net… ».
Arthur marchait à côté d’elle, silencieux. Elle se tourna vers lui :
- Arthur… commença-t-elle, hésitante.
- Oui, répondit-il un peu trop vivement.
- Tu aimes bien les filles du Lycée ?
Arthur la regarda, l’air benêt.
- Euh… Bah oui… En général, quoi. Elles sont sympas…
- Et qui préfères-tu ?
Involontairement, il adopta un air encore plus ahuri, complètement pris au dépourvu par les questions de Mathilde.
- J’sais pas moi… Pourquoi tu me poses ce genre de questions ?
« Décidément, il le fait exprès ! C’est pas possible ! » se dit-elle. Elle s’arrêta, s’approcha de lui et l’enlaça.
- Arthur, tu ne vois pas que tu me plais ?
Sans un mot, il la prit par la taille, l’attira vers lui et l’embrassa tendrement. « Enfin ! » ne put-elle s’empêcher de penser, soulagée et heureuse… Ils restèrent l’un contre l’autre un long moment, profitant de cette fusion de deux sentiments qu’ils découvraient pour la première fois.

Puis, à contrecœur, ils se décidèrent à poursuivre leur retour à la maison. Mais cette fois-ci, ils marchaient main dans la main, les yeux pétillants de bonheur.
- Arthur, tu m’aimes depuis quand ? minauda Mathilde.
- Depuis la première fois que je t’ai vue au Dojang.
- Mais je n’avais que 9 ans !
- Et alors ? On peut aussi avoir des sentiments, à cet âge-là, non ? rétorqua-t-il, en riant
- Qu’est-ce que tu peux être bête, quand tu veux ! le taquina-t-elle.
Et ils rirent, avant de s’embrasser à nouveau.

Alors qu’ils s’approchaient de l’immeuble de Mathilde, Arthur s’arrêta :
- Mathilde, je dois te dire quelque chose de super !
- Quoi ? Que tu m’aimes ? fit-elle, pleine de malice.
- Non,..
- Comment ça, non ???? l’interrompit-elle, feignant la colère.
- Mathilde ! Ecoute-moi, c’est super important.
- J’adore t’asticoter, Arthur ! Tu démarres toujours au quart de tour ! Allez, dis-moi ce qui est super…
- Eh ben, voila… Avant de quitter le dojang, le coach m’a dit que je pourrais avoir une chance de faire partie de l’équipe de France pour les prochains JO.
Mathilde le regarda bouche bée. Puis se ressaisit :
- Tu veux me faire marcher a ton tour ou quoi ?
- Non, non ! C’est vrai…
- Ca alors ! Mais tu n’as que 15 ans !
- Et les prochains jeux ont lieu dans 3 ans…
- Tu as raison ! admit-elle.
Apres un temps de réflexion, elle sauta de joie.
- C’est génial, Arthur ! Vraiment super ! Je suis tellement contente pour toi !
- Attends, attends ! Ce n’est pas encore fait, hein !
- Je sais mais quand même ! Au fait, ça dépend de quoi ?
Il lui expliqua la teneur du marché. Elle s’enthousiasma :
- Tu devrais y arriver sans problème !
- Je ne sais pas. Je ne connais pas mes adversaires et il paraît que le niveau est plutôt costaud. Tiens ! Il y a même un australien qui est déjà intégré à l’équipe olympique…
- Mais tu n’as jamais perdu un tournoi, Arthur ! Ne sois pas modeste !
- Ca ne veut rien dire, tu sais… Enfin, on verra bien ! conclut-il dans un sourire pour lequel elle craquait à chaque fois.
- Oh ! Arthur ! Je suis tellement fière de toi !
Elle se jeta sur lui et l’embrassa fougueusement. A cet instant précis, Arthur se sentit invincible, fort de cet amour qu’il ressentait pour Mathilde ; porté par les émotions si démonstratives de Mathilde.

Chapitre 4

Aéroport de Changi, Singapour – Au grand étonnement de Patrick, les formalités de contrôle des passeports furent très rapides et plutôt agréables. « Ca nous change de l’Europe » se dit-il. Cependant que lui et ses quatre élèves marchaient vers les tapis roulants pour récupérer leurs bagages, le petit Victor s’exclama :
- Regardez ! Mon sac est déjà là !
- Le mien aussi ! applaudit Ali.
«Efficace, avec ça ! » pensa Patrick, tout en regardant Victor courir partout, tel un furet.Tendrement, il se remémora sa première rencontre avec ce garçon âgé maintenant de 12 ans. Il y avait cinq ans, déjà.

Ce jour là, Victor et ses parents pénétrèrent timidement dans l’établissement, juste avant que l’entraînement général ne débute. Patrick, déjà vêtu de son dobok, les accueillit. Il remarqua tout de suite le manque d’assurance des deux adultes qui se reflétait également chez le petit blondinet, agrippé à la main de sa mère avec l’air déterminé à ne pas vouloir la lâcher, même en échange de tous les bonbons du monde. Patrick s’évertua à les mettre à l’aise et chercha à comprendre quelles étaient les motivations des parents. Ceux-ci expliquèrent, hésitants, que leur petit garçon était d’une timidité maladive, qu’il n’osait jamais s’exprimer librement, que ce soit à la maison ou à l’école. De fait, il avait peu ou pas d’amis et il passait le plus clair de son temps, seul, lisant des tonnes de livres de son âge. Un ami leur avait conseillé de l’inscrire à un club d’arts martiaux, quel qu’il soit, afin de lui permettre de développer une certaine confiance en soi qui lui faisait manifestement défaut. Patrick avait déjà eu affaire à ce genre de cas. Il avait su, à force de patience et de psychologie, faire ressortir les points forts de ces enfants et leur démontrer qu’ils ne devaient pas craindre de les mettre en valeur. Ainsi, au cours des années, Victor s’était complètement transformé. Il était devenu un pré-adolescent sûr de lui et de ses possibilités, n’hésitant plus à exprimer ses émotions. Malgré son jeune âge, il adorait assister les entraîneurs des tout petits et prenait plaisir à l’instruction. Patrick lui avait donné cette responsabilité, sachant pertinemment que cela permettrait à Victor de continuer à s’épanouir. « C’est en enseignant qu’on apprend le mieux. » répétait-il à ses ceintures noires pour les convaincre d’aider les entraîneurs. Et, en effet, Victor avait beaucoup appris. Sur lui-même. La participation au tournoi de jeunes pratiquants comme Victor faisait aussi partie de la stratégie de Patrick. Il s’avéra que Victor était naturellement doté des qualités physiques requises par le taekwondo et le travail technique qu’il avait accumulé au cours de ces années d’entraînement lui permettait de figurer parmi les meilleurs combattants de sa catégorie d’âge. Ses résultats en tournois, accompagnés des félicitations de son mentor ainsi que de l’admiration de ses camarades n’avaient pas manqué de le convaincre qu’il pouvait réussir dans ce qu’il entreprenait. Mais, le plus étonnant pour Patrick était de constater l’évolution simultanée des parents de Victor. Ceux-ci étaient devenus plus affirmatifs, beaucoup moins timides dans leurs échanges avec lui, moins craintifs en apparence. « Et ils ne pratiquent aucun art martial, eux… Trois transformations pour le prix d’une ! Non seulement Victor a changé mais il a aussi, et sans le savoir, influencé ses propres parents… », s’amusa-t-il intérieurement.

Quant à Ali, le problème avait été tout autre. Ses parents, issus de la troisième génération d’immigrés, avaient réussi à percer ce mur invisible dressé par la société à cause de leurs origines. Ils étaient jeunes, formaient un beau couple et respiraient le bonheur. Lui était cadre dans une compagnie d’assurances et elle dispensait des cours d’informatique pour le compte d’un organisme de formation professionnelle. A la naissance d’Ali, un an après leur mariage, ils furent fous de joie et tous les membres de leurs grandes familles, de Paris à Oran, devinrent hystériques. « Un cadeau d’Allah ! » avait proclamé un oncle d’Oran, toujours volubile. Le grand père d’Ali n’avait pas hésité, déclenchant le courroux de son épouse, à déclarer à son rejeton : « Tu as toujours été ma plus grande fierté, mon enfant. Maintenant, avec la naissance de ton propre fils, je sais que jamais je ne pourrai être plus heureux. Alors, si Dieu veut que je meure maintenant, je suis d’accord ! »

Au fil des mois, puis des années, les géniteurs comblés se sont aperçus que quelque chose clochait chez Ali. Dans son comportement, très agité, souvent impulsif ; à l’école, où il avait énormément de mal à suivre. Ses parents s’en inquiétèrent très vite et consultèrent un généraliste. Celui-ci, après examen de l’enfant, pronostiqua un TDAH (Trouble de déficit de l’attention / hyperactivité) et demanda aux parents de voir un spécialiste afin de confirmer la découverte et, surtout d’en définir le degré. Ce qu’ils firent. Et ils apprirent que leur enfant était en effet atteint du TDAH, à un degré élevé. Mais le spécialiste se montra rassurant car le problème avait été détecté assez tôt et il proposa un programme spécifique pour Ali, à base d’homéopathie (il était contre les médicaments, qu’il considérait trop invasifs pour un enfant de 6 ans) et d’approche psychosociale. « Mais le plus important pour Ali reste l’amour que vous lui portez et votre soutien sans faille. » avait prévenu le professeur. Justement, de l’amour pour leur enfant, ils en avaient à revendre ; de même que toute leur famille ! Aussi, loin d’être abattus, soulagés, même, de pouvoir mettre un nom au problème, les parents d’Ali étaient plus que déterminés à aider leur fils. Lorsque la maîtresse d’Ali fut mise au courant du trouble de son élève, elle recommanda à sa mère de l’inscrire au club de taekwondo de Patrick Brun, leur assurant que cela pourrait grandement contribuer à l’amélioration de leur fils. Prudents, les parents demandèrent conseil au spécialiste qui ratifia cette suggestion : « Pratiquer un sport, qui plus est un art martial, est une excellente démarche dans le cas du petit Ali. En effet, pour lui, apprendre en étant assis derrière un pupitre est un vrai calvaire. S’il peut apprendre tout en déversant son trop plein d’énergie, il aura moins de difficultés à garder son attention. Un art martial offre, en plus, un cadre très structuré, basé sur des règles et des codes précis que personne ne peut enfreindre, y compris un enfant atteint de TDAH. Aussi, Ali apprendra plus facilement les conséquences de ses débordements éventuels et, inconsciemment, ajustera son comportement, en fonction. »

C’est ainsi que Patrick reçut Ali au sein de son club et participa – non sans mal – aux progrès lents mais incontestables de l’enfant. Aujourd’hui, Ali avait 18 ans. Patrick le regardait récupérer son sac et aider Mathilde à en faire autant. Grand, musclé, souple : un corps de félin. Calme, souriant, confiant, patient, toujours à l’écoute : un grand frère à qui on veut confier toutes ses peines ; vers qui on se tourne pour partager ses joies ; quelqu’un dont on veut gagner l’amitié, à jamais. « Ou es-tu passé, petit Ali de 6 ans ? » s’interrogea Patrick. « Tu nous as fait souffrir, mes entraîneurs et moi. Tu nous as tournés en bourriques tant de fois. Tu étais insaisissable. Tes camarades d’entraînement te détestaient car tu étais différent. Tu étais incapable de reproduire une poomse correctement… Et, petit à petit, tu as laissé la place à quelqu’un qui est finalement devenu ce jeune homme : un instructeur occasionnel adoré par ses étudiants. Un champion de Taekwondo. Et, pour couronner le tout, un brillant étudiant qui finit sa deuxième année de médecine. Alors, c’est avec plaisir que je te dis « Adieu, petit Ali de 6 ans… » Et je suis content que tu aies laissé ta place à cet Ali de 18 ans, promis à un brillant avenir. Le joyau de sa famille, si aimante… »

*************

Michael Ong, chargé par le comité d’organisation d’accueillir les français, attendait patiemment derrière la vitre séparant les arrivées internationales du terminal 1. Il disposait de temps pour repenser aux conversations qu’il avait eues avec ses supérieurs. Avec l’implication surprise - et imposée - des représentants du cabinet du Premier Ministre, la première discussion s’était portée sur l’opportunité d’annuler l’inscription des membres du Geylang Fighting Club au tournoi.

Michael, accompagné du président de la fédération, avait rappelé à ses interlocuteurs les frasques de ces voyous durant les diverses compétitions nationales auxquelles ils avaient participé. Il avait mis en exergue les dangers de tels comportements pendant le tournoi international, non seulement pour les autres athlètes et officiels mais aussi pour l’image du taekwondo et de Singapour. L’un des fonctionnaires du cabinet – qui n’avait pas daigné se présenter – avait interrompu l’exposé pour rentrer dans le vif du sujet :
- Inspecteur, vous êtes en train de nous soutenir que la fédération n’a pas les moyens de faire respecter l’ordre pendant une de ses manifestations ?
Michael se sentit agressé par le ton employé, autant que par le caractère provocant de la question. Toutefois, il conserva son sang-froid.
- Je dis simplement que le danger existe. Et que le meilleur moyen de l’éliminer est encore de bannir ces énergumènes du tournoi.
Son interlocuteur sourit, méchamment.
- Et à quoi sert un service d’ordre, alors ? N’en êtes-vous pas responsable, d’ailleurs ?
- En effet, je le suis. Et c’est en tant que tel que je fais cette recommandation.
- Nous pensons plutôt que vous ne voulez pas prendre vos responsabilités, inspecteur…
Michael encaissa mal le coup. Les autres participants semblaient gênés par la tournure de l’échange. Le mandataire du gouvernement, satisfait de son attaque, continua :
- Légalement, nous n’avons aucune raison d’interdire l’accès au tournoi à qui que ce soit. Les inscriptions sont libres, à partir du moment où les clubs des participants sont affiliés à la fédération et que ces derniers sont dûment licenciés. De plus, je vous rappelle que vos supérieurs ont instamment demandé à la fédération de ne rien faire contre les membres du Geylang Fighting Club ; ceci afin de préserver une plateforme d’observation sur leurs activités illégales, indispensable aux services de police. Et, en tant que membre de cette estimable organisation, vous êtes bien placé pour le savoir, me semble-t-il.
- Oui mais…
- Inspecteur Ong ! Discuteriez-vous les ordres de vos chefs qui, de surcroît, bénéficient de notre support inconditionnel ?
- Non, bien sûr…
- Parfait ! Je pense que vous serez d’accord avec moi : la sécurité du pays est sûrement plus importante que celle d’un tournoi d’arts martiaux, fût-il international.
Michael ne sut quoi répondre devant une telle présentation de la situation, complètement biaisée. « Décidément, ils sont costauds pour retourner les choses, ces politiciens… » ne put-il s’empêcher de remarquer, dégoûté.
- Bien ! fit le fonctionnaire, en se levant, accompagné de ses deux collègues qui n’avait pipé mot de toute la réunion. Maintenant que nous sommes d’accord, nous pouvons y aller. Un rapport sera transmis au directeur de cabinet. Bien entendu, vous en aurez une copie, précisa-t-il à l’adresse du chef de la police.
Puis, il se tourna vers Michael et le président de la fédération, sans se départir de son sourire inquiétant :
- Messieurs, le Premier Ministre compte sur vous pour que l’image de notre pays ne soit pas ternie par un incident, quelqu’il soit. Je vous rappelle que c’est nous qui décidons des montants annuels à allouer à chaque sport. Et, d’après les services du Ministère des sports et de la jeunesse, le Taekwondo singapourien n’a pas vraiment brillé pendant les derniers jeux d’Asie du sud-est…
Sur ces dernières paroles, pleines de sous-entendus, les 3 fonctionnaires quittèrent la salle.

Apres quelques mots de réconfort adressés au président de la fédération qui avait du mal à dissimuler sa panique naissante, celui-ci fut prié de quitter la salle afin de poursuivre la réunion entre policiers. Au cours de celle-ci, Michael put confirmer son sentiment que les décisions avaient été déjà prises au plus haut niveau et que ses supérieurs ne montraient aucune intention de les contester.
- Inspecteur Ong, résuma le chef du département criminel, vous vous occupez du service d’ordre interne pour le compte du comité d’organisation du tournoi et nous sommes certains que vous vous acquitterez de cette tâche sans coup férir. En tant que policier, nous désirons vous voir prendre en charge la protection des athlètes et officiels étrangers. Pour cela, vous formerez une équipe composée de 50 hommes. Je veux que nos amis repartent dans leurs pays respectifs avec l’idée que Singapour est toujours le pays le plus sûr du monde.
- A vos ordres, ne put que répondre Michael.

Patrick et son groupe se dirigèrent vers lui, ayant reconnu le nom de leur club, inscrit sur la pancarte qu’il brandissait. Les présentations furent chaleureuses et l’inspecteur fut surpris de constater que les 5 européens s’exprimaient assez bien en anglais. On lui avait tellement rabâché que les Français ne parlaient que…français…

En sortant de l’aéroport, les nouveaux arrivants furent littéralement pris à la gorge par la chaleur lourde et moite, caractéristique d’un pays situé près de l’équateur. Michael remarqua la réaction de ses hôtes et plaisanta :
- Bienvenue à Singapour, les amis ! Il va falloir vous habituer à cette chaleur humide ou bien passer votre séjour dans des lieux climatisés, uniquement. HA ha ha !

Le groupe embarqua dans un minibus conduit par un vieux Chinois souriant mais qui ne parlait très bien la langue de Shakespeare.
- Ici, il y a quatre langues officielles, précisa Michael. L’anglais, le mandarin, le malais et le tamil. Mais le langage des affaires est bien évidemment l’anglais. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde, à Singapour, le maîtrise… Donc, ne soyez pas étonnés si, en vous promenant, on ne répond pas forcement à vos demandes d’information. Ce n’est pas pour faire montre d’impolitesse mais plus par gêne de ne pas pouvoir communiquer convenablement avec vous.
Le groupe de Bagnolet écoutait attentivement, tout en regardant défiler les paysages devant leurs yeux.
- Nous vous conduisons à votre hôtel, qui se trouve dans le quartier de Geylang. C’est le cœur de Singapour. Cet endroit est très réputé pour ses restaurants, d’excellente qualité et bon marché. Mais, vous devez aussi savoir que les lorongs – autrement dit les allées perpendiculaires à Geylang road, l’artère principale – sont le lieu choisi pour les activités de prostitution.
- Ah bon ? s’étonna Patrick.
- Mais, ne vous inquiétez pas. Tout ceci est très contrôlé par le gouvernement et il n’y a pas les mêmes problèmes qu’en Europe ou aux Etats-Unis, de proxénètes se bagarrant à coups de revolver pour agrandir leurs territoires. Je voulais seulement vous avertir par rapport aux enfants.
Ces derniers éclatèrent de rire.
- Eh ben ! s’écria Victor. Quand je vais dire ça à mes parents !
Le policier se retourna et lui sourit :
- Dis donc, petit polisson ! Tu crois vraiment que ton coach va t’emmener visiter les lorongs ? Ton hôtel est en dehors de cette zone, de toute manière. Et il y a bien d’autres sites à visiter, à Singapour, plus intéressants.
- Regardez ! s’exclama Ali. Il y a des fleurs tout le long du rail central de l’autoroute !
- Ca, reprit l’inspecteur, c’est notre façon à nous de souhaiter la bienvenue aux visiteurs !
- C’est beau ! s’enthousiasma Mathilde en admirant les fleurs tropicales rouges et blanches.

Après 20 minutes de route et un trafic agréablement fluide, ils arrivèrent au Santa Grand Hôtel. Arthur trouvait le bâtiment propret et l’accueil sympathique. En regardant autour de lui, il s’aperçut que d’autres équipes participant au tournoi avaient aussi été installées ici. Il reconnut quelques adversaires qu’il avait rencontrés en Europe.

Michael les avait déjà quittés, après leur avoir expliqué quel était son métier ainsi que son rôle dans l’organisation du tournoi ; ce qui ne manqua pas de les impressionner.
- Vous vous rendez compte ? observa Mathilde. Le responsable de la sécurité est un inspecteur de police et il est venu, en personne, nous accueillir !
- Oui, c’est plutôt sympa de sa part, répondit Arthur. D’ailleurs, je le trouve très cool…
Tout le monde acquiesça.
- Bon, les enfants ! fit Patrick. Vous avez tous vos clefs, alors je vous propose d’aller vous rafraîchir. Dans une heure, on se retrouve en bas pour aller manger dans un de ces fameux restaurants, bons et pas chers. Ca vous va ?
- Super ! intervint Victor. Dis, Patrick, tu nous emmèneras voir ce qu’il se passe dans ces fameuses allées ?
A ce moment là, vif comme l’éclair, Ali se pencha, le prit par les chevilles et le retourna tout en se redressant. Victor et ses 50 kilos se retrouvèrent tête en bas, les chevilles coincées par deux mains puissantes, ne comprenant pas ce qu’il lui arrivait.
Tout le monde, dans le hall de l’hôtel, se mit à rire en voyant le petit garçon s’agiter et tenter de se libérer de l’étreinte somme toute amicale mais ferme.

Chapitre 5

Comme convenu le groupe se retrouva à la réception. Un employé de l’hôtel leur avait gentiment indiqué la direction d’un restaurant typique du coin, sur Geylang road. Il ne leur fallut que cinq minutes pour aborder la voie en question.

Les rues étaient noires de monde. Des shop houses se dressaient de chaque côté de l’artère, la plupart abritant un restaurant au rez-de-chaussée. Une foule bigarrée se bousculait devant les multiples échoppes, dans l’attente de se décider à s’installer à une table ou de voir plus loin si les offres étaient plus alléchantes.

Tout en marchant, Arthur s’amusait à observer cette cohue multiraciale.Grâce aux effluves émanant des cuisines offertes au regard du public, son appétit commençait à s’aiguiser : satay, curry, laksa, fondue chinoise, barbecue ou soupe improbable ; c’était un véritable festival de couleurs les plus variées et d’odeurs chatoyantes. Soudain, il vit Victor revenir en courant vers le groupe en se bouchant grossièrement le nez.
- Qu’est ce qu’il y a, Victor ?, demanda Ali.
- Pouah ! 10 mètres plus loin, ils vendent chais pas quoi qui pue le vomi !
Les cinq voyageurs se dirigèrent vers un étal placé à une intersection. Imposant par sa taille, il était rempli de ce qui semblait être des fruits. En s’approchant, ils purent constater que Victor n’avait pas exagéré. Une véritable odeur de degeulis submergea leurs narines. Mathilde s’arrêta net et mit les mains sur son nez. Arthur regarda autour de lui et fut étonné de voir que personne, à part les membres du club, ne semblait gêné par la puanteur. Patrick entama une discussion avec un des marchands malais, tandis que les autres s’activaient afin de servir leurs nombreux clients. Lorsqu’il revint vers le groupe resté en retrait, il expliqua :
- Ce que vous voyez là – et qui sent si bon – c’est des durians. Un fruit qu’on ne trouve qu’en Asie du sud-est. Il paraît que c’est délicieux !
Les autres le regardèrent, les yeux ronds d’incrédulité.
- Le vendeur m’a dit, continua le coach, qu’ici, le durian équivaut - en termes de réputation culinaire - à la truffe ou au caviar chez nous ; même si ce n’est pas aussi rare et cher. Pour apprécier sa chair, il faut faire abstraction de « l’arôme » et là, c’est un petit Jésus en culotte courte. L’expression n’est pas de lui mais vous voyez ce que je veux dire... Etonnant, hein ? Il m’a gentiment offert d’en goûter, en précisant que ses durians venaient tout droit de Thaïlande et que c’était les meilleurs dans tout Singapour. C’est pour ça que tout le monde se précipite chez lui, comme vous pouvez en juger par vous-mêmes…
- Et t’en as goûté ? demanda Mathilde
- Euh… Une autre fois peut-être, sourit Patrick. Allez, on continue ?

Apres s’être éloignés du marchand de « délices » de l’Asie du sud-est, ils trouvèrent le fameux restaurant dont leur avait parlé le réceptionniste de l’hôtel. Il s’agissait d’une autre fameuse shop house, ouverte sur la rue. De grandes tables occupaient la façade. A l’intérieur se trouvait la cuisine où s’affairaient un vieux couple et deux adultes dans la force de l’âge, tous Chinois. Patrick et ses élèves s’installèrent, pas très rassurés malgré l’agréable fumet qui emplissait l’air. Un serveur leur tendit un menu avant de débarrasser une table à côté. Devinant qu’ils étaient touristes et voyant leur embarras, un client de la shop house s’approcha et leur proposa de les aider. Ils en furent ravis. Grâce à cette âme charitable, il commandèrent une grande variété de plats qu’ils partagèrent au fur et à mesure de leur apparition : poulet au gingembre, riz de Hainan, bœuf sauté aux champignons, crabe sri lankais au poivre noir, baby kai lan à la sauce d’huître et côtes de porc au poivre et sel. Le tout était arrosé d’un excellent thé rouge. Pendant le repas, ils s’étaient amusés à juger qui maniait le mieux les baguettes. Ils étaient assez fiers de leur prestation menée sous le regard amusé de la clientèle locale et des serveurs.

Pendant que Patrick réclamait l’addition, Mathilde se leva pour demander où se trouvaient les toilettes. Le serveur lui expliqua qu’il n’y en avait pas dans le restaurant mais qu’elle pouvait utiliser celles du centre commercial, situé sur l’autre trottoir. Elle s’excusa auprès de ses compagnons et traversa prudemment la rue. Elle entra dans le « mall » et apprécia la fraîcheur apportée par l’air conditionné. Elle vit le panneau indiquant la direction des « ladies » et s’y rendit. Avant d’ouvrir la porte, elle entendit des coups sourds, accompagnés de gémissements. Intriguée, elle pénétra. Ce qu’elle aperçut la sidéra.Un homme s’acharnait sur une fille, asiatique, en la rouant de coups de pied. Torse nu, les muscles de son dos, fins et fermes, se contractaient à chaque coup qu’il portait sur la créature à terre, en position du fœtus, essayant vainement de se protéger. Sentant une présence derrière lui, il se retourna promptement. Mathilde tressaillit en voyant l’agresseur : jeune, de taille moyenne, le regard noir empli de haine, les lèvres menaçantes, le visage anguleux et osseux, le crâne rasé qui exposait une large cicatrice partant du front pour finir vers l’oreille droite. Son corps, sombre, était couvert de sueur. Il était taillé en V, faisant apparaître des abdominaux et des pectoraux saillants. Pendant que sa victime continuait de gémir de douleur, il s’adressa à l’intruse :
- Qu’est-ce que tu fous ici, salope ? Tu veux la remplacer ?
Mathilde resta interdite.
- Casse-toi, sale chienne ! Ou je t’envoie au turbin à sa place !, continua-t-il avant de l’insulter en malais.
La Française se ressaisit.
- Pourquoi tu t’attaques à elle comme ça, espèce de lâche ? répliqua-t-elle en montrant l’Asiatique, mal en point.
Le Malais, sans crier gare, se propulsa vers Mathilde qui eut le réflexe d’ouvrir la porte derrière elle. Alors qu’elle sortait précipitamment en refermant, un choc fit trembler les murs. Prise de panique, elle courut dans le centre commercial, à la recherche d’un policier ou une vigie. Elle remarqua un garde vers l’entrée du « mall ». Celui-ci, reconnaissable à sa chemise blanche estampillée du logo de la compagnie de sécurité, la regarda, inquiet, se précipiter vers lui. Elle s’adressa au vieil Indien, ayant visiblement dépassé l’âge de la retraite. De façon décousue, Mathilde lui expliqua ce qu’elle avait vu et vécu dans les toilettes pour dames et lui demanda d’intervenir. Le pauvre homme - qui, malgré sa fonction, semblait n’avoir jamais été confronté à ce type de situation - parut dépassé par les évènements et feignit de ne pas comprendre. Mathilde, qui ne pouvait contenir ses larmes de rage et de peur, décida de laisser tomber et se précipita dehors. L’Indien la suivit du regard, éberlué et sûrement soulagé.

Apres avoir traversé la rue sans prêter attention au trafic, elle fonça vers ses amis.
- Mathilde !, fit Patrick en se levant d’un bond. Qu’est-ce qui se passe ?
Arthur réagit tout de suite et étreignit instinctivement sa petite amie, comme pour la protéger. En quelques mots, elle expliqua les raisons de son état au groupe.
- Bon ! Ali, tu essayes de trouver un policier et tu restes avec Victor. Nous trois, nous allons voir ce qui se trame là-bas.
Ali demanda à un des clients, qui observait l’agitation des Français, comment il pouvait contacter la police. Le Chinois prit son portable et composa le 999 avant de le lui passer. Au bout de deux sonneries, le service d’urgence décrocha. Brièvement, Ali expliqua la raison de son appel après avoir décliné son identité. A la demande de son interlocuteur, il donna le nom et l’adresse du restaurant. Le fonctionnaire de police le remercia et lui assura qu’une équipe d’intervention arriverait dans les cinq minutes.

Le vieux vigile indien eut à peine le temps de reconnaître la jolie adolescente qui l’avait interpellé peu de temps auparavant. Elle courait, accompagnée de deux autres personnes. Il se décida à les suivre. Patrick se rua dans les toilettes, suivi d’Arthur et de Mathilde. L’Asiatique gisait par terre, à demi consciente. L’Indien apparut sur le seuil et, voyant la scène, se mit à pousser des cris en se tenant la tête. Il repartit aussitôt. Patrick s’agenouilla et se pencha vers la blessée :
- Mademoiselle ! Où avez-vous mal ?
Elle poussa un gémissement pour toute réponse.
- Elle a l’air d’être salement amochée, constata l’entraîneur, tout haut. J’espère que la police va se pointer dare-dare.
A peine eut-il fini sa phrase que 3 policiers en uniforme apparurent, accompagnés du brouhaha des conversations transmises par leurs radios. Ali et Victor suivaient. L’un des fonctionnaires appela tout de suite une ambulance tandis que ses collègues se penchèrent vers la fille. Mathilde regardait avec horreur son visage à la fois tuméfié par les coups et barbouillé par un maquillage trop lourd qui avait cédé aux larmes et à la douleur. D’autres officiers, arrivés en renfort, balisaient les lieux tout en repoussant la foule de curieux.

Après que deux brancardiers eurent emmené la victime, le responsable de la patrouille expliqua à Patrick qu’ils devaient attendre l’arrivée d’un inspecteur qui les interrogerait en tant que témoins. En patientant, Patrick, avec l’aide d’Arthur et d’Ali, faisait son possible pour calmer Mathilde et Victor, choqués.

La salle de réunion était claire et fonctionnelle. Un grand plateau central, blanc, permettait à une vingtaine de personnes de s’installer autour. Un rétroprojecteur éteint faisait face à un écran géant encore déroulé. Sous les grandes fenêtres étaient disposés des meubles bas sur lesquels se trouvaient, en vrac, toutes sortes d’objets hétéroclites : téléphones portables, appareils photo, téléobjectifs, talkie-walkies, dossiers, classeurs et autres. Le climatiseur, silencieux, délivrait une température optimale.

En bout de table, l’inspecteur Ong s’entretenait avec Mathilde et Patrick.
- Voilà ! Vous savez tout ou presque, conclut-il.
Patrick n’en revenait toujours pas. Il devait fournir quelque effort pour ne pas laisser libre cours à sa colère :
- Mais comment peut-on laisser ce gars là en liberté ? C’est proprement inconcevable ! Sans compter que tes services n’ignorent pas ses méfaits !
- Justement !, rebondit Michael. Ce qu’il nous manquait, jusqu'à présent, c’était des preuves ou des témoignages.
Patrick craignit d’avoir compris :
- Tu insinues que Mathilde doit témoigner pour le faire arrêter ?
- Oui. Nous avons besoin de la faire comparaître devant le juge afin qu’elle certifie avoir reconnu Azhar.
- Et la Vietnamienne ? Son témoignage ne suffirait pas ?
- Elle refuse. Elle a peur. D’ailleurs, son visa de séjour touristique est expiré depuis belle lurette. Elle risque la prison et des coups de fouet.
- Des coups de fouet ???
- Oui, selon la loi sur l’immigration.
Le coach réfléchit. Il était responsable de ses athlètes. Trois d’entre eux étaient encore mineurs. La raison de leur venue était évidente et unique : participer au tournoi. Point. Ils n’étaient sûrement pas ici pour avoir affaire à la justice de ce pays, ne serait-ce qu’en tant que témoins.
- Ecoute, Michael, reprit-il. Je comprends ta situation et je te demande de bien vouloir te mettre à ma place. Mathilde n’a que quinze ans. Ses parents me l’ont confiée et il s’agit d’une immense responsabilité. Je ne peux pas accepter qu’elle témoigne. Essaie plutôt de convaincre la prostituée.
L’inspecteur ne cacha pas sa déception. Il s’adressa à l’adolescente :
- Et toi ? Qu’en penses-tu ?
On pouvait lire dans le regard bleu de Mathilde de la confusion. D’un côté, elle désirait ardemment voir cette terreur d’Azhar sous les verrous ; d’un autre, elle n’était pas certaine des implications de son témoignage.
- Franchement, si j’étais en France, j’aiderais volontiers à faire enfermer ce lâche. Mais… Ici… Et puis, la décision revient à Patrick.
Michael insista :
- Tu ne veux pas appeler tes parents pour leur expliquer le problème et obtenir leur autorisation ?
- Michael ! le coupa Patrick. Arrête ça, s’il te plaît. Tu te doutes bien qu’à 10 000 kilomètres de là, ils ne prendront aucune décision ; ils seront même plutôt enclins à refuser, de toute façon.
Le policier en convint, malgré lui.
- Bon ! Je vois… Je ne peux pas compter sur votre coopération et je le conçois.
Il marqua un temps d’arrêt avant de reprendre, embarrassé :
- Il y a autre chose que vous devez savoir… Azhar va aussi participer au tournoi.
Mathilde et Patrick se regardèrent, médusés.
- Tu plaisantes, j’espère ?, demanda vivement l’entraîneur.
- Non.
- Tu es en train de nous dire, tranquillement, qu’un chef de gang, qui passe son temps à battre des femmes sans défense est autorisé à combattre dans un tournoi international de taekwondo ? Dis donc, vous ne seriez pas un peu timbrés, dans ce pays ?
- Calme-toi, Patrick. C’est un peu plus compliqué que ça. La seule chose que je puisse te dire, c’est que la fédération n’a pas le choix.
Patrick se leva d’un bond :
- C’est carrément n’importe quoi, Michael. Je t’aime bien mais, là, je pense qu’on entre dans la quatrième dimension ! Allez, on y va ! fit-il à l’adresse de la jeune fille.
Juste avant de sortir de la salle, Patrick Brun se retourna :
- Au fait, dans quelle catégorie il est supposé combattre, ton protégé ?
- Ce n’est pas mon protégé, Patrick. Evite les sarcasmes, ça ne mène à rien... Il s’est inscrit dans la catégorie open…
Mathilde ne put retenir un cri de surprise, mêlé de crainte :
- Comme Arthur !
- Oui, comme Arthur, confirma l’entraîneur en hochant la tête…
Les Français quittèrent le siège central de la police.

Dans le taxi qui les ramenait à l’hôtel, Patrick avait son air des mauvais jours.
- Mathilde, dit-il, on va devoir expliquer la situation aux autres. Je te demanderai de ne pas en rajouter à propos d’Azhar.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Evite de le présenter comme le diable en personne. Après tout, ce n’est qu’un garçon de 19 ans, même si c’est une crapule.
- C’est vrai, Patrick, mais tu aurais dû le voir. Il est vraiment effrayant avec sa cicatrice et ses yeux de fou. J’ai peur pour Arthur, tu sais.
- Oui, j’ai bien compris. C’est pour cela que je te demande de te calmer et de raisonner dans le cadre du tournoi. Je te rappelle qu’il y a des règles et des arbitres pour les faire respecter. Donc, si Arthur doit le combattre, il sera protégé, au même titre que les autres participants. De plus, rien ne dit qu’Arthur ne pourra pas le battre…
- Tu as sûrement raison, Patrick, mais je ne suis pas tranquille.
Le coach ébaucha un sourire :
- Tu l’aimes bien, hein ?
Elle rougit.
- Ecoute, continua-t-il, tu me connais depuis longtemps, non ? Fais-moi confiance. Tu verras, non seulement il n’arrivera rien à ton petit copain mais je te fiche mon billet qu’il gagnera le tournoi ; Azhar ou pas Azhar.
Elle se força à sourire :
- Bien sur que je te fais confiance ! dit-elle avec entrain.
- Bien ! Je vais l’étudier pendant qu’il s’entraînera. Je décèlerai ses forces et ses faiblesses. Cela nous permettra de mettre en place une stratégie adaptée, s’ils doivent se rencontrer. Au fait, tu as pu voir la taille qu’il fait ?
- A vue de nez, il est aussi grand qu’Arthur. Dans les 1m70…
- OK. S’il est plus âgé, au moins, il n’a pas l’avantage d’être plus imposant. Voilà un bon point, non ?
Mathilde remarqua le ton faussement enjoué que venait d’employer Patrick. Elle ferma les yeux.


Chapitre 6

Le minibus de marque japonaise qui les transportait au stade Toa Payoh ressemblait à un véhicule futuriste aux yeux des Français, plutôt étonnés et curieux. Mais le trajet ne dura que 15 minutes ; ce qui ne laissa pas, aux adolescents, le temps nécessaire de découvrir et tester tous les gadgets à disposition des voyageurs.

L’organisation du tournoi avait octroyé un horaire d’entraînement décent aux athlètes de Patrick : de 10 heures à 14 heures.

La salle, surmontée de gradins, était divisée en 4 parties pour permettre les entraînements simultanés mais aucune cloison n’avait été installée. En conséquence, tous les athlètes pouvaient s’observer mutuellement. Patrick n’en était pas choqué car cela se passait ainsi dans la plupart des cas ; il préférait, même. Pas uniquement parce que ça facilitait son travail d’étude des adversaires éventuels mais aussi parce que les sportifs avaient l’occasion de lier connaissance et, pourquoi pas, de se faire des amis venant des quatre coins du monde. Le délégué les conduisit à leur emplacement. Rien ne manquait pour conduire une bonne séance : le tatami réglementaire, bien entendu, mais aussi deux sacs de sable pour travailler la puissance, des raquettes de frappe pour la précision, des pattes d’ours plates pour la vitesse, des cordes à sauter, des plastrons et des casques. A côté du tapis d’entraînement, trônaient deux appareils : l’un dédié au travail de souplesse et l’autre – très complet – spécifique à la musculation.

Patrick Brun expliqua à sa troupe les objectifs de l’entraînement général et les travaux spécifiques qu’il prévoyait pour chaque athlète. Après cette introduction, les premiers mouvements débutèrent. Ses élèves étaient concentrés. Avec satisfaction, il les sentait entrer petit à petit en « mode tournoi ».

Après une heure d’échauffement, suivi des actions de base pieds et poings, il leur accorda une pause de dix minutes. Tout le monde en profita pour se désaltérer et regarder les autres préparations. Arthur, accompagné de Mathilde, se dirigea vers le coin des Australiens, à l’autre bout de la salle. Les deux adolescents étaient tout de suite impressionnés par le nombre d’athlètes ; ce qui n’avait pas l’air de perturber l’organisation de la session en cours. Arthur remarqua que, malgré la concentration de chacun, les athlètes paraissaient « cool », même durant l’effort. Patrick s’approcha de lui :

- Tu vois celui qui travaille ses coups de pieds arrière crochetés ? C’est l’adversaire potentiel dont je t’ai parlé.

- Wouah ! Plutôt balaise, le gars !

- Oui. Et je pense qu’il va combattre pour mettre ses adversaires K.O. le plus vite possible. Regarde ses « back hooks ». Si tu dois le rencontrer, il va falloir se méfier de cette technique. Il ne doit certainement pas la répéter inlassablement sans raison…

Patrick les quitta pour aller observer les Thaïlandais.

Arthur continuait d’observer l’Australien attentivement. L’adolescent admirait la vitesse avec laquelle ce dernier se retournait avant de décocher son coup de pied à cinquante centimètres de la cible puis de ramener son talon dessus en un violent impact.

- Il est vraiment très bon ! confirma Mathilde.

- Ouais… Je comprends, maintenant, pourquoi il est déjà dans l’équipe olympique. Si je dois le combattre, j’ai intérêt à éviter ses « back hooks » sinon c’est le K.O assuré.

A ce moment précis, le coach de l’hémisphère sud proposa une pause, acceptée avec joie par ses élèves. L’adversaire potentiel d’Arthur prit un Gatorade dans la glacière et se dirigea vers les deux Français. C’était le prototype de l’idée du jeune surfeur Australien que l’on se faisait plus au nord : les cheveux longs, blonds, les yeux bleus, le sourire engageant, les dents blanches et le visage hâlé.

- Salut ! Vous parlez anglais ?

- Salut ! répondit Arthur. Oui, on parle anglais. Je m’appelle Arthur et voici Mathilde.

- Enchanté, les gars ! Je m’appelle Josh.

Apres cette introduction sans chichi, les 3 jeunes discutèrent avec plaisir jusqu'à ce que Patrick rappelât ses ouailles pour la deuxième partie de l’entraînement.

- C’était super de vous connaître ! fit Josh avec un sourire franc. Comme on est encore ici pour une semaine, on aura l’occasion de se revoir et, pourquoi pas, de faire la fête après le tournoi. OK ?

- Ça serait génial ! répondit Arthur.

Apres un dernier salut de la main, Mathilde et lui se dirigèrent vers leur coin.

- Il est vraiment cool, ce gars ! s’enthousiasma-t-elle.

- Ouais, très sympa ! En plus, il n’a pas la grosse tête alors qu’il pourrait… Ça, c’est vraiment appréciable.

A 14 heures, Patrick siffla la fin de la séance. Il était plutôt satisfait du déroulement de celle-ci, bien qu il eût noté une fatigue générale pendant la dernière demi-heure. « Le décalage horaire… Après une bonne nuit de sommeil, il n’y paraîtra plus » se dit-il. Le groupe alla s’installer sur les gradins afin de laisser leur place à la délégation américaine. L’entraîneur commença le débriefing :

- Alors, comment vous sentez-vous ?

- J’avoue que je suis crevé, se lança Ali, tout de suite suivi par la confirmation de ses camarades.

- C’est normal, Ali. Vous êtes encore sous le coup du décalage. Mais je pense que vous avez tous fourni un super travail. Encore bravo !

Les taekwondoistes reçurent le compliment avec plaisir.

- Bon ! J’ai eu l’occasion d’observer vite fait les 3 autres délégations. J’aimerais vous donner mes premières impressions que l’on ajustera au fur et à mesure. Alors, je commence par les Thaïlandais. Victor, ils présentent un combattant dans ta catégorie. Il est plus petit et plus léger que toi mais extrêmement rapide et souple. En gros, vous allez combattre sur les mêmes bases. Il va falloir qu’on trouve un plus.

- D’accord Patrick ! Tu as une idée ?

- Non, pas pour l’instant. Chez les Australiens, il y a le champion qu’Arthur pourrait rencontrer. Ils présentent aussi un gars dans ta catégorie, Ali. Plutôt pas mal mais je pense que tes qualités physiques et mentales devraient faire la différence. Enfin, les Taiwanais ont une fille que tu pourrais rencontrer, Mathilde. Ta taille sera un avantage et tu pourras placer ton fameux coup de pied marteau en attaque et utiliser ta contre-attaque préférée dans les phases défensives. C’est tout ce que je peux vous dire pour l’instant. Vous avez des questions ?

Ils continuèrent tranquillement leur discussion. Derrière eux, tout en haut des tribunes, une porte en fer s’ouvrit. Trois hommes s’appuyèrent contre la rambarde et entreprirent d’observer ce qui se passait en dessous, sans but apparent. Soudain, l’un deux lâcha un juron.

- Qu’est ce qu’y a, Azhar ? T’as un blème ? questionna l’un des observateurs.

- Putain de merde ! répondit vivement le Malais. Regarde-moi qui va là…

Les deux autres compères regardèrent dans la direction indiquée par le doigt d’Azhar.

- Et alors ? demanda le troisième homme. A part un groupe de je ne sais quel pays, j’vois rien de specos.

- Espèce de con ! La greluche dans le groupe ! C’est celle qui m’a pécho pendant que je m’occupais de cette pute de Tuyen.

Les deux autres le regardèrent, interloqués.

- Mais tu m’avais dit que c’était une touriste, se souvint l’un deux.

Azhar le regarda méchamment :

- C’est ce que je pensais, tête de nœud !

- Bon, elle est là pour le tournoi. Qu’est-ce que ça change après tout ?

- Tu bites rien, décidément ! Tuyen, on sait qu’elle témoignera pas. La « white shit », en tant que touriste, ne se serait pas impliquée dans une histoire locale. Mais, comme c’est pas une touriste et qu’elle est ici pour une semaine et que cet enculé de flic de mes deux qui, en plus, fait partie de l’organisation de ce tournoi à la mords-moi-le-nœud veut pas me lâcher… Tu vois le topo, maintenant, ou j’te fais un dessin ?

Ses compagnons assimilèrent les données du problème, enfin. Ils comprirent qu’Azhar était devenu fou d’une rage contenue car en danger. Et ils savaient très bien que leur leader n’aimait pas, mais pas du tout, se retrouver dans ce genre de position.

- Qu’est-ce qu’on fait ?, demanda l’un d’eux.

Azhar considérait le groupe plus bas, qui ne se doutait de rien. Les yeux rétrécis, les mâchoires serrées, les poings formés, il se décida à répondre, brutalement :

- On va la trucider.


Chapitre 7

Après un déjeuner tardif et diététique en vue du tournoi, le groupe avait décidé de passer le reste de l’après-midi en visite à Sentosa.

Cette île satellite, dédiée au tourisme et à la détente, était reliée à sa grande sœur par un pont ainsi qu’un… téléphérique ! Située à l’extrême Sud de Singapour, elle a été aménagée dans le but unique de devenir un lieu d’attraction avec ses complexes hôteliers, ses plages, son casino – en construction -, son musée de l’histoire singapourienne, son cinéma en 4D, son parcours de luges – sur roues ! – et le fameux Merlion, symbole national. Sentosa signifie « paisible » en malais mais le groupe de Patrick Brun trouvait, au contraire, que l’île était bondée de touristes de tous horizons qui n’hésitaient pas à se bousculer pour arriver les premiers aux différentes attractions offertes ou dans les rames du train express qui faisait le tout de l’île.

Ils étaient rentrés à l’hôtel un peu déçus par ce lieu complètement artificiel. Il n’était que 19 heures et Mathilde voulait faire un peu de lèche-vitrine dans le quartier, avant le dîner. Elle demanda à Arthur de l’accompagner. Bien entendu, celui-ci se fit une joie de pouvoir se retrouver seul avec sa petite amie. Les autres décidèrent de rester à l’hôtel pour se reposer.

Les deux adolescents marchaient enlacés, heureux de pouvoir enfin exprimer, de cette manière, leur attachement. Geylang road était toujours autant remplie de monde. La nuit commençait à apparaître et les réverbères ainsi que les différents restaurants et magasins de la rue s’éclairèrent. Arthur et Mathilde arrivèrent au bout de la rue, à la hauteur du lorong 1. Sur leur droite se trouvait une gare routière, très animée. Sur leur gauche, une route perpendiculaire menait vers des bâtiments situés à une centaine de mètres. Mathilde avisa une pancarte indiquant cette direction.

- Regarde Arthur, là-bas, il y a un centre de taekwondo ! On pourrait aller voir, non ?

- Il est déjà huit heures moins le quart. On doit rejoindre les autres à la demie. On ferait mieux de revenir sur nos pas, non ?

- Oh ! Allez, viens ! Juste quelques minutes…

- Bon, si tu insistes, allons voir comment on s’entraîne à Singapour. Mais, on fait vite, hein ?

Ils traversèrent la rue et se retrouvèrent au beau milieu d’une large allée, dépourvue de toute lumière. Sur les côtés étaient stationnés des remorques et des plateaux de camion, orphelins de leur cabine. Les édifices se situaient au bout du chemin. Arthur ne comprenait pas pourquoi son alerte interne se manifestait avec insistance. Tout paraissait tranquille et Mathilde sautillait à côté de lui, insouciante.

Soudain, son crâne se déchira. Il eut à peine le temps d’entendre l’amorce du cri d’effroi de Mathilde avant de s’effondrer.

Gopal Sanchin se pencha sur le corps inanimé, la barre de fer à la main. Il esquissa une grimace édentée.

- C’est bon ! Il est pas prêt de se relever, le puceau.

Pendant ce temps, Min Yi Er et un autre Chinois tenaient fermement Mathilde qui se débattait de toutes ses forces, en hurlant.

- Ferme-lui sa gueule !, ordonna Azhar. Elle va rameuter tout le quartier !

Min Yi Er, d’un geste vif, enleva son tee shirt sale et la bâillonna. L’adolescente continuait à s’agiter farouchement, les yeux baignés de larmes mais incapable, maintenant, de crier a l’aide. Le morceau de tissu enfoncé dans sa bouche avait le goût de la sueur et de la crasse. Elle voulait vomir. Pas uniquement sa bile. Sa peur, aussi.

- Allez ! Magnez-vous le cul !, éructa Azhar. On l'emmène au Dojang !

Gopal et Min soulevèrent la jeune fille et commencèrent leur marche vers le l'antre du Geylang Fighting Club tandis qu'Azhar chassa l'autre voyou.

Mathilde, pieds et poings fermement tenus, en position horizontale, ne pouvait voir que l'ombre menaçante propagée par les arbres tropicaux dont l'épaisseur arrêtait net les rais de lune. Elle tremblait littéralement et avait mal aux poignets et aux chevilles. Elle tenta de se redresser pour apercevoir Arthur, avec l'impossible espoir qu'il se relèverait et viendrait la délivrer. Soudain, un coup sec et puissant l'atteignit au visage. Le souffle coupé, elle se sentit défaillir. Elle se força à ouvrir les yeux mais elle ne voyait rien à cause des larmes de douleur et du sang s'écoulant de son nez fracassé. Elle ne put qu'entendre les mots effrayants du Malais :

- Te casses pas, salope... Ton petit copain doit être dans le coma et il y restera un bon bout de temps. Ah ! Ah ! Ah ! Maintenant, c'est moi qui vais m'occuper de toi. Tu vas voir, tu vas tellement aimer que tu en redemanderas ! Après, je te vendrai aux Thaïlandais qui se feront un plaisir de te faire connaître les charmes orientaux : tu finiras pute à soldats avec cent passes par jour ! Ça sera plus la peine d'en redemander... Ah ! Ah ! Ah !

Le groupe arriva devant le bâtiment à trois étages. Azhar poussa la porte d'un coup de pied et pénétra dans le couloir déjà illuminé. Une double porte vitrée lui faisait face, découvrant une salle d'entraînement avec toutes sortes d'équipements dédiés aux sports de combat. A gauche, une grande salle encombrée de bureaux restait dans la pénombre. Sur sa droite se trouvait un escalier relativement étroit.

- Montez-la dans ma chambre ! , ordonna Azhar.

Tandis que ses deux hommes de main s’exécutaient en silence, il regardait la fille terrifiée, un sourire inquiétant sur les lèvres.

Chapitre 8

Arthur ouvrit péniblement les yeux. Sa première réaction consista à palper le haut de sa nuque, là où il ressentait une douleur inimaginable. Puis, il se releva en un éclair en se rappelant pour quelle raison il était ici. Il chercha désespérément Mathilde en tournant sur lui-même. Il s'arrêta net en apercevant l'édifice vers lequel sa petite amie et lui se dirigeaient avant l'attaque sournoise. Il se mit a courir.

Soudain, son regard se troubla. Ses pieds se dérobèrent. Il chuta vers l'avant, complètement désarticulé, et tomba de tout son long, inconscient. Il avait compris, en s'évanouissant, qu'il ne sauverait pas Mathilde. Il avait échoué...

Terrifiée, Mathilde ne pouvait s'empêcher de regarder la cicatrice effrayante qui barrait le visage d'Azhar et adoptait une forme sinusoïdale pendant qu'il plissait ses yeux emplis de haine et de violence. Gopal Sanchin et Min Yi Er avaient fini d'attacher ses poignets aux barres en fer du lit.Torse nu et en sueur, le Malais s'approcha du lit. D'un geste vif et précis, il arracha le tee shirt de l’adolescente puis, lentement, descendit son short le long de ses jambes. Il s'accroupit sur le lit et tira sur sa petite culotte qui se déchira instantanément. Il entreprit de frotter son entrejambe sur le sexe nu de Mathilde tout en approchant son visage de celui de Mathilde qui se mit à crier.

Azhar se redressa sur les genoux et lui asséna un coup de poing terrible sur la bouche. La Française, à demi consciente, eut à peine le temps de recracher les dents qui lui restaient, accompagnées d'un flot de sang.

- Ferme-la, petite pute !, vociféra Azhar avant de la pénétrer violemment.

Une douleur indescriptible déchira tout son corps. Mathilde n'avait plus la force de se rebeller. Des larmes coulaient sur ses joues pendant les coups de butoir du violeur de plus en plus rapides et brutaux. Elle tourna la tête et vit les deux autres hommes, hilares, avant de fermer les yeux. L'haleine infecte d'Azhar, mêlant curry, piment, oignon, alcool et tabac, l'envahissait au rythme de ses éructations ; son corps était devenu celui d'une marionnette, uniquement mû par les mouvements saccadés qu'il subissait.

- AAAAAAHHHH !, râla Azhar pendant qu'il jouissait dans la fille. Après en avoir fini, il se dégagea violemment et sauta du lit en redressant son pantalon.

- Alors ? A qui le tour ?, demanda-t-il à ses complices.

Min, sans dire un mot, se dirigea vers l'adolescente, la retourna et commença de la prendre par derrière. Mathilde ne sentait plus rien. Son esprit était parti ailleurs, dans un ultime réflexe de protection ; pour éviter de sombrer dans la folie. Le temps n'avait plus d'importance, le mal n'existait plus. C'est à peine si elle sentit le Chinois se retirer.

Tout à coup, une douleur encore plus atroce ramena son esprit dans la pièce. Gopal était en train de lui déchirer l'anus en poussant des cris rauques. Mathilde ressentit une soudaine envie de mourir pour finir ce calvaire ; à jamais.

Au bout d'un temps indéterminé, elle ouvrit doucement les yeux. Un étrange silence régnait dans la pièce. Était-elle morte ? Libérée, finalement ?

Au bout d'un temps indéterminé, elle ouvrit doucement les yeux. Un étrange silence régnait dans la pièce. Était-elle morte ? Libérée, finalement ?

Violemment, une main la tira par les cheveux et l'obligea à sortir du lit et se tenir debout. Elle écarquilla les yeux de stupeur. Non, le cauchemar n'était pas terminé.

- Tenez-la bien droite !, ordonna Azhar.

Les deux autres voyous se mirent chacun d'un côté de la fille, en la soutenant par un bras. Le Malais recula de deux pas.-

Il faut que je m’entraîne pour le tournoi, ma grande. Et comme je n'ai pas de punching ball, je vais me servir de ta tête ou ce qu'il en reste. Ah ! Ah ! Ah !

Mathilde n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il voulait faire. Elle vit son persécuteur tourner en 360°, sentir le souffle de sa jambe avant lui raser le visage et apercevoir du coin de l’œil l'autre arriver vers elle.

Un bruit sec. Puis le néant.

L'Indien et le Chinois laissèrent choir le corps inerte et reculèrent, interloqués par la rapidité, la puissance et la précision du coup porté par Azhar et son effet fatal.

- Mettez-la dans le coffre de ma Proton. Je vais me mettre à l'abri à Johor, le temps que les choses se calment. Allez ! Magnez-vous, merde !

Min souleva le cadavre de Mathilde et le jeta sur son épaule en suivant Gopal qui s'assurait que la voie était libre. Azhar les regarda partir. Puis, il inspira longuement par le nez tout en étendant ses bras vers le haut dans le but de retrouver le contrôle total de son souffle, expirant bruyamment par la bouche. Il se dirigea vers une vieille commode chinoise et en retira un tee shirt noir qu'il enfila. Il récupéra un sac dans lequel il enfourna quelques affaires en vrac et descendit rapidement les marches vers la sortie. Ses deux hommes de main l'attendaient en fumant une cigarette.

- La fille est dans le coffre, précisa Gopal. Fais gaffe à la frontière.

- T'inquiète. A c't'heure-ci, y font pas chier en général. Si c'est le cas, je fonce sur le Causeway et j'me planque. Je vous recontacterai demain.

- OK, fit Min. Nous, on va s'cuiter à Geylang et se taper des putes.

- T'en as pas eu assez avec cette chienne, hein ?, plaisanta Azhar.

Les trois assassins se mirent à rire en se tapant sur les mains...

Chapitre 9

La première chose qu'il entendit, tout en gardant les yeux fermés, était ce Bip insistant et régulier. Cela eut le don de l'énerver. Ce n'était pas normal. Il se savait capable de garder son calme en toute circonstance et il ne comprenait pas pourquoi, en se réveillant, ses premières sensations avaient trait au malaise, à l'angoisse, au manque de sérénité.

- MATHILDE !, cria Arthur.

Il ouvrit les yeux et se redressa d'un coup. Il parcourut son environnement du regard : murs blancs, petite table de nuit, appareil de mesure (bip... bip.... bip...), fenêtre, porte, petite télé accrochée en hauteur. Une chambre d'hôpital. Il était dans une chambre d'hôpital. Mais que diable faisait-il ici ?

- Oh non !, gémit-il.

Tout lui revint en mémoire. La porte s'ouvrit.

- Arthur ? Tu es réveillé ? C'est moi, Patrick.

- Qu'est ce qui s'est passé ?, interrogea l'adolescent. Où est Mathilde ?

Michael Ong entra à son tour. Arthur n'aimait pas du tout l'air contrit des deux adultes.

- Vous allez me dire ce qui se trame, nom de Dieu ?

Patrick Brun sursauta. Il n'avait jamais entendu Arthur s'exprimer avec autant de véhémence, même lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. L'inspecteur prit la parole :

- Arthur, un chauffeur routier t'as retrouvé inanimé dans l'allée menant au club de Geylang. Il a appelé la police et nous t'avons transporté à l'hôpital. Tu n'as rien de grave ; juste un sale coup sur la nuque.

- Je sais que je n'ai rien ! Où est Mathilde ?

Patrick répondit :

- Justement. On ne sait pas. Quand on t'a retrouvé la-bas, nous étions étonnés de ne pas avoir eu de nouvelles de Mathilde. La police s'est immédiatement dirigée vers le club de Taekwondo mais ils n'ont rien trouvé.

- Nous avons tout de suite lancé un avis de recherche pour la retrouver, précisa Michael.

- Quelle heure est-il ?, demanda l'adolescent.

- Minuit, répondit le policier. Pourquoi?

- A quelle heure m'avez-vous retrouvé ?

- Il y a deux heures, environ.

L'adolescent arracha les fils de sa poitrine. La machine entama un bip continu. Il sauta de son lit et se mit sur ses deux jambes. Il ferma un instant les yeux, encore sonné.

- Arthur !, s'exclama Patrick Brun. Que fais-tu ? Retourne dans ton lit, s'il te plaît !

La porte s'ouvrit et une infirmière apparut précipitamment.

- Mais que se passe-t-il, ici ? Remettez-vous dans le lit !

La jeune femme se dirigea vers la sonnette d'appel et la pressa à plusieurs reprises. Puis, elle se retourna vers Arthur :

- J'ai appelé le docteur. Il va arriver. En attendant, recouchez-vous !

Arthur ne la regardait même pas. Il enfilait son pantalon après avoir mis son tee shirt. Les trois adultes le regardaient faire, interloqués.

- Qu'est ce qui arrive, ici ?

Tout le monde se retourna vers la porte. Un homme d'âge mur, de type pakistanais, campait fermement sur ses jambes, les mains sur les hanches. Il prenait un air sévère mais ses yeux, rieurs, ne pouvaient cacher une certaine bonté naturelle. Son visage rond, ses lunettes à la Gandhi et son embonpoint trahissaient aussi une tendance à la compréhension de la nature humaine autant qu'à la compassion.

L'infirmière, agitée, se précipita vers l'homme :

- Docteur ! Le patient ne veut pas rester dans son lit malgré nos protestations. Il est encore en observation !

- Allons, allons..., calma le bon médecin, qui dégageait une grande sérénité. Pourquoi veux-tu sortir si vite, mon garçon ? Ta chambre ne te plaît donc pas ?, ironisa-t-il gentiment.

Arthur ne put s'empêcher d'apprécier instantanément son interlocuteur mais cela n'influait en rien sa détermination. Il devait retrouver son amie. Coûte que coûte.

- Monsieur, je dois sortir d'ici afin de retrouver Mathilde... euh... ma copine, qui est en danger.

- Pour commencer, tu vas m'appeler « Docteur ». En effet, je n'ai pas fait 10 ans d'étude pour rien... Et, à ce titre, je suis le seul à pouvoir t'autoriser à quitter l'hôpital, n'est ce pas ?

- Ecoutez, Docteur, je comprends mais, s'il vous plaît, comprenez qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort !

Le médecin observa l'adolescent en silence. Il devinait la sincérité de son malade et, même s'il ne comprenait pas grand chose à la situation, il eut l'intuition qu'il fallait le laisser sortir.

- Soit !, finit-il par dire. Je vais te laisser partir mais, avant, tu vas me signer une décharge. D'accord ?

Arthur se sentit soulagé :

- Merci Docteur ! Je vous remercie vraiment de votre compréhension.

- Je ne suis pas sûr que l'on puisse réellement parler de compréhension dans ce cas présent, sourit-il. Mais, enfin, si tu penses que tel est ton destin... Qui suis-je, après tout, pour t'empêcher de l'accomplir ?... Infirmière, faites-lui signer une décharge, s'il vous plaît.

Avant de quitter définitivement la chambre, il se retourna vers le garçon :

- Bonne chance, mon jeune ami.

Tandis que la nurse suivit le médecin, Patrick s'adressa à Arthur :-

- Et tu comptes aller où, comme ça ?

- Je vais retrouver Ali et l'Australien pour leur demander de m'aider à retrouver Mathilde. Et vous, que comptez-vous faire ?

Michael s'interposa :

- Patrick, laisse-le faire ce qu'il pense devoir faire. Tu ne pourras pas l'arrêter, de toute façon. Et puis, ses recherches peuvent toujours nous aider ; on ne sait jamais.

Arthur finissait de se vêtir.

- Arthur, continua le policier. Patrick et moi allons retourner au QG de la police afin de vérifier où nous en sommes et élargir notre champ d'investigation. Pendant ce temps, je te propose de retourner au club de Geylang avec tes amis et si tu vois quoi que ce soit, tu nous contactes. C'est OK ?

Le jeune homme acquiesça froidement. Patrick intervint :

- Arthur, tu as bien compris ce que t'a demandé Michael ? Tu nous contactes. Tu n'interviens surtout pas.

Arthur prit son sac, regarda les deux adultes et partit sans dire un mot. L'entraîneur avait remarqué le regard dur de son protégé. Il ne pouvait pas le rater. Il l'avait reconnu. C'était celui qui transformait cet adolescent tranquille en un guerrier sûr de sa force, juste avant un combat.

- Je suis inquiet, confirma Patrick Brun à son ami.

- Je comprends. Mais, comme l'a si justement dit le médecin, personne ne le stoppera. Et je suis tout aussi inquiet que toi. Arthur ne sait pas de quoi ces voyous sont capables...

Chapitre 10

Avant de rendre visite à Arthur à l’hôpital, Michael Ong avait organisé une perquisition au club des voyous et ses hommes avaient reçu l'ordre d'arrêter toutes les personnes présentes et de les ramener au siège la police pour interrogatoire. Patrick et l'inspecteur étaient dans la même salle de réunion que la dernière fois. En face d'eux se trouvaient deux autres policiers chinois en civil et deux hommes en uniforme, malais. L'un des Malais s'expliquait :

- Même avec moi, ils ne veulent pas parler. La seule chose qu'ils répètent est que tous les Chinois sont à la solde du Gouvernement et que je suis un sale traître.

- Je vois, confirma Michael. Vous n'avez pas ne serait-ce qu'un début d'indice, un mot de trop de leur part qui nous mettrait sur une piste ?

L'un des hommes en civil prit la parole :

- Rien. Je te confirme qu'ils ne veulent pas me parler parce que je suis un « sale Chinois, mangeur de porcs et de chiens ». C'est pourquoi j'ai demandé à Fezhal et Rami de nous aider.

- C'est fou quand même ! Sur ces sept personnes que vous avez appréhendées, vous n'avez pas un quart d'une once d'un demi indice ?

- Michael, intervint l'autre Chinois. C'est la loi du silence. Ils ne parleront pas, qu'ils sachent quelque chose ou pas.

- Bon ! Gardez-les bien au chaud et continuez à les cuisiner. Nous, pendant ce temps, nous allons contacter nos homologues de Johor Barhu et demander leur aide. On ne sait jamais, Mathilde peut très bien avoir été emmenée en Malaisie par Azhar. On ne trouve ni l'un ni l'autre.

Alors qu'il s'apprêtait à se lever, le mobile de Michael sonna. Il décrocha, étonné de recevoir un appel à 4 heures du matin. Il reconnut tout de suite la voix désagréable.

- Inspecteur Ong, le représentant du cabinet du Premier Ministre à l'appareil. Qu'est ce qui se passe ?, questionna-t-il de façon abrupte.

- De quoi parlez-vous, Monsieur ?

- Allons ! Pas de ça avec moi, inspecteur ! C'est quoi cette histoire de fille disparue ?

Michael ne pu cacher sa surprise.

- Et vous savez comment je le sais ? Pas par vos services, en tous cas. Je le sais par un journaliste américain qui a osé m'interroger au sujet d'une soit disant française qui aurait disparu Et ce, pendant la soirée organisée par le Premier Ministre. A cause de vous, je me suis retrouvé dans de beaux draps !

- Je vous confirme qu'une fille française, devant participer au tournoi international de Taekwondo, a disparu depuis un peu plus de 6 heures. Nous n'arrivons pas à retrouver sa trace.

- Comment est-ce possible ?, hurla le fonctionnaire. Comment une adolescente peut disparaître ainsi dans un pays comme Singapour ? Nous contrôlons tout, ici ! Nous savons exactement où se cache le moindre cafard dans cette île !

- Je suis tout aussi surpris que vous, Monsieur. Nous allons contacter nos collègues malaisiens afin qu'ils fassent des recherches à Johor et continuer nos investigations ici.

- Avez-vous au moins quelque chose à vous mettre sous la dent ?

Michael laissa passer un moment avant d'avouer la vérité. Rien, il n'avait rien. Il ne savait même pas par où commencer. Le ton de son interlocuteur se radoucit ; sa voix se fit plus douce, trahissant son désespoir soudain :

- Alors, je ne sais plus quoi dire, inspecteur... Si on ne retrouve pas cette fille au plus vite, nous aurons toute la presse sur le dos, sans parler de la réaction du gouvernement français... L'image de Singapour va être ternie à jamais. Nous risquons vraiment gros...

Sur ces sombres paroles, le fonctionnaire raccrocha. Michael, son téléphone encore collé à l'oreille, essayait de deviner qui était le « nous » évoqué par son correspondant.

Chapitre 11

Pendant qu'il l'écoutait, Ali remarquait bien qu'Arthur avait changé du tout au tout. Il ne le reconnaissait plus. Ce n'était plus le petit gars tranquille, souriant et toujours gentil avec tout le monde, qu'il appréciait tant. Ses gestes incisifs, son regard inquiétant, la veine gonflée marquant son cou ainsi que ses mots tranchants étaient ceux d'un guerrier, prêt à mourir pour la cause qu'il défendait ; ils étaient ceux d'un tueur.

Le grand frère sentait bien que l'Australien n'était pas loin de penser la même chose. Les cheveux couleur or encore ébouriffés, Josh tentait de comprendre ce qui avait amené son nouvel ami à le réveiller, ainsi qu'Ali, si tôt. Au fur et à mesure des explications apportées par Arthur, son regard bleu azur s'assombrissait. Il ne s'agissait plus d'un tournoi, avec ses règles et ses arbitres. Arthur parlait de sauver Mathilde d'un danger appelé Azhar. Ce danger était mortel. Et Arthur leur demandait de l'aider dans sa quête, sans cacher les risques encourus pendant celle-ci. Josh avait tout de suite reconnu la métamorphose d'Arthur. A Auburn, quartier dur de Sydney, il avait côtoyé tous les jours ces adolescents et ces hommes qui se battaient pour survivre ; il en avait fait lui-même partie. Bien sûr, ses capacités physiques, hors du commun, l'avaient aidé à se faire respecter dans cet environnement hostile. Mais il avait compris, bien avant beaucoup d'autres, que c'était grâce à sa force mentale innée qu'il avait traversé les pires moments de son enfance et de son adolescence. Et, face à lui, cette force mentale que dégageait Arthur en ce moment le rassurait, malgré la gravité de la situation.

- Voilà ! Vous savez tout, maintenant, conclut Arthur. Alors, êtes-vous d'accord pour m'accompagner au club de Geylang et dégoter quelque chose qui puisse nous aider à retrouver la trace de Mathilde ?

Le « Straits Times », quotidien le plus diffusé de l'île et - comme toute la presse du pays - à la solde du gouvernement, n'avait pas eu le temps de faire face à la déferlante entraînée par les sites Internet. L'exemplaire dans les mains du ministre de l'Information, des Communications et des Arts titrait sur la « guerre de clochers » perpétuelle entre la Malaisie et Singapour, cette fois-ci au sujet de l'eau. En effet, le gouvernement malaisien s'insurgeait du fait que Singapour n'avait aucune intention de renégocier les termes du contrat de trente ans entre les deux nations, stipulant que le Malaisie acheminait et vendait son eau douce à un certain prix et Singapour se chargeait de la traiter pour ses propres besoins, sans oublier d'en revendre une partie à la Malaisie elle-même et ce, pour le double (!) D'ailleurs, le journal n'hésitait pas à utiliser son sous-titre pour ironiser sur les « talents de négociation » de Kuala Lumpur...

Mais, le ministre de l'information avait bien d'autres préoccupations. La réputation de son pays se faisait tailler en pièces par les sites de la presse internationale, les blogs de toutes sortes, les forums et les sites partisans d'une démocratie à Singapour créés par ce que le gouvernement qualifiait de « quitters », c'est à dire de « lâcheurs », pour ne pas dire « traîtres à la patrie ». Dans son bureau situé au troisième étage, au décor moderne et impersonnel contrastant avec le raffinement du bâtiment du 19ème siècle qui l'abritait, il attendait que ses cinq conseillers trouvent une parade qui puisse le rassurer. Comme ses collègues, il avait été nommé à ce poste pour services rendus au PAP (People's Action Party) et surtout grâce à son amitié avec le fils de Lee Kwan Yew, fondateur de la nation et encore au pouvoir depuis 45 ans malgré le titre honorifique et ronflant de Minister Mentor. Le fait qu'il avait placé son fils, Lee Hsien Loong, à la tête du pays, en tant que Premier Ministre, n'aidait pas à dissiper les doutes sur ses intentions.Le Ministre de l'information se savait incapable d'assumer ce genre de situation ; il n'en avait ni la compétence, ni l'expérience, ni la motivation. Il ne désirait qu'une seule chose : profiter des honneurs et du traitement très au dessus de la moyenne mondiale que lui procurait sa fonction et s'assurer que les singapouriens continuent à suivre les yeux fermés et endormis les bons conseils de leurs leaders. La sonnerie de son téléphone portable retentit, brisant le silence pesant. Tout le monde, dans le bureau, sursauta.

Le Ministre esquissa un geste d'hésitation. Puis, à contrecœur, il répondit.

- Ici le représentant du Cabinet du Premier Ministre. Comment allez-vous, Monsieur le Ministre ?

- Ce n'est sûrement pas le plus beau jour de ma vie, comme vous pouvez l'imaginer, répondit faiblement le Ministre de l'Information en regardant ses conseillers, toujours aussi silencieux.

- Justement, reprit son interlocuteur. Je vous appelle à propos de cette adolescente. Avons-nous une réponse officielle à donner au sujet de toute cette agitation médiatique ? Le Premier Ministre s'impatiente...

- Nous y travaillons, Monsieur le représentant. Nous espérons revenir vers vous dans les deux heures, avec un communiqué officiel.

- Bien ! Dès que celui-ci sera prêt, rappelez-moi et faisons le point.

Après avoir mis fin à l'entretien téléphonique, le Ministre s'adressa à ses conseillers :

- Vous avez sûrement compris que c'est maintenant que vous devez justifier de vos riches traitements de hauts fonctionnaires...

Chapitre 12

L'allée menant au club de Geylang était toujours aussi lugubre.

Après avoir passé la journée à enquêter dans le voisinage et collaboré avec la police dans un vaste plan de recherche couvrant tout le territoire national, sans le moindre résultat, Arthur, Josh et Ali marchaient en silence vers le bâtiment, attentifs au moindre bruit , guettant tout mouvement suspect. Hormis les feuilles des arbres qui bruissaient au rythme d'un vent léger et les oiseaux se préparant tranquillement à traverser cette nuit qui s'annonçait, il n'y avait pas âme qui vive. Arthur se méfiait d'autant plus :

- Je n'aime pas ça, les gars. C'est beaucoup trop calme. Restons sur nos gardes.

Les deux compagnons d'Arthur, leurs sens déjà en alerte, n'éprouvaient pas le besoin de répondre à l'avertissement.

Après avoir franchi le lourd sas d'entrée protégeant l'ambassade, Patrick Brun, accompagné des parents de Mathilde, se retrouvait dans le bureau luxueux de l'ambassadeur. Des sculptures originaires des quatre coins du monde accompagnaient des bibelots variés ainsi que des meubles anciens pour décorer la pièce immense. De très beaux tableaux aux styles hétéroclites qui se disputaient à de nombreuses photos montrant le représentant de la République Française à Singapour aux côtés de personnalités politiques de tous horizons prouvaient l'expérience indéniable du locataire actuel des lieux.

- Je vous confirme, reprit l'ambassadeur, que la France, par mon intermédiaire, a officiellement exprimé ses plus vives inquiétudes au gouvernement singapourien quant à la situation de Mathilde. Ce dernier nous a tout aussi officiellement répondu que tout était mis en œuvre pour la retrouver. C'est tout ce que je puis vous dire à ce jour.

Patrick n'était pas certain de l'efficacité de ces échanges diplomatiques. Certes, l'ambassadeur était à l'image que l'on se faisait du diplomate : grand, svelte, visage agréable, cheveux poivre et sel coupés impeccablement, portant le costume avec beaucoup de classe sans être ostentatoire pour autant, sourire enjôleur et langage châtié.

Mais où se trouvait l'efficience requise par la gravité de la situation ? se demanda l'entraîneur.

- Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie pour ces précisions mais Monsieur et Madame Letertre sont arrivés de Paris très tôt ce matin et, malgré l'action de l'avocat local qu'ils ont engagé, ils n'ont pu obtenir aucune information digne de ce nom de la part du gouvernement.

Le diplomate se retourna vers les parents de Mathilde. Malgré sa beauté naturelle, la mère de Mathilde ne pouvait cacher sa fatigue nerveuse. Son mari, la cinquantaine élégante, tentait de la rassurer par des gestes tendres, tout en se concentrant sur la conversation.


- Monsieur et Madame Letertre, je comprends que les échanges diplomatiques que je viens de décrire peuvent vous paraître ridicules au vu de la situation mais, croyez-moi, nous devons en passer par là pour faire avancer les choses avec le gouvernement singapourien. Vous avez très bien fait de prendre un avocat de ce pays pour vous aider dans vos démarches et je suis sûr qu'une combinaison de notre action et de la sienne vous permettra d'obtenir des informations plus rapidement mais nous devons admettre qu'en deux jours ils ont mis beaucoup de moyens en œuvre...

- Monsieur, reprit la mère de Mathilde, je ne doute pas le moins du monde que toutes les personnes impliquées font ce qui est en leur pouvoir pour retrouver ma fille. Mais, je ne peux pas me contenter de cela...

Madame Letertre s'interrompit, tentant difficilement de retenir un sanglot. Son mari lui murmura des mots d'apaisement et prit la parole.


- Mon épouse veut tout simplement vous exprimer notre terreur de ne pas retrouver Mathilde. Elle n'a que 15 ans et elle est encore si innocente ! Comment cela peut-il arriver dans ce pays qui se targue d'être le plus sûr du monde ? Quelqu'un peut-il me dire où se trouve ma fille, nom de Dieu ?

N'en pouvant plus, fatigué et frustré, il laissa couler ses larmes tout en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. Celui-ci baissa la tête, conscient de son impuissance devant une telle situation.

Arthur et ses deux amis se trouvaient maintenant devant le club. Le ruban jaune, posé par la police pour sceller l'entée du bâtiment, était déchiré. La porte était à moitié ouverte. Les trois partenaires se regardèrent, interloqués.


Chapitre 13

Patrick, de retour à l'hôtel, s'étonna de voir Victor dans le hall, discutant avec d'autres participants au tournoi.

- Victor ! Mais où se trouve Ali ? Je l'avais pourtant chargé de te garder.

- Je ne sais pas, Patrick. Quand je me suis réveillé ce matin, il n'était plus dans la chambre.

- Quoi ?

- Bah, oui. Alors, je suis descendu prendre mon petit déjeuner et, voilà, je l'attends.

Patrick eut soudain un mauvais pressentiment.

- Et Arthur ? Tu sais où il est ?

- Bah non. Je ne sais pas. Et puis, mon pote d'Australie, Levi, m'a dit que tout le monde cherche aussi leur champion, Josh.

Arthur, Ali et Josh introuvables. Patrick ne croyait pas aux coïncidences fortuites. « C'est pas possible ! » pensa-t-il. « Ils doivent avoir retrouvé les voyous et ils sont partis en expédition punitive. Mais où sont-ils bien allés ? Et Mathilde dans tout ça ? ». Michael apparut soudain dans le hall de l'hôtel, en sueur et débraillé par une nuit sans sommeil.


- Patrick ! Te voilà !

- Qu'est ce qui se passe ? Tu me fais peur !

- Il se passe que le gouvernement devient fou avec cette histoire et nous met une pression qui n'arrange pas nos affaires. De plus, il a décidé d'annuler le tournoi et je dois l'annoncer à toutes les délégations.

- Ça me paraît la moindre des choses, non ?, rétorqua l'entraîneur.

- Bien entendu, confirma le policier. Mais ce qui m'inquiète vraiment, c'est la réaction des membres du gouvernement. Ils n'ont pas l'air de supporter la pression internationale, en particulier celle de la France, les quolibets de la presse mondiale et l'opposition, jusqu'ici, silencieuse commence à ruer dans les brancards. Tu te rends compte qu'ils sont déjà en train d'organiser une manifestation géante ? C'est du jamais vu depuis l'accession au pouvoir de Lee Kuan Yew !

Patrick resta 2 secondes la bouche ouverte, exprimant ainsi sa stupeur :


- Michael ! Qu'est ce que tu veux que ça me foute qu'il y ait la révolution dans ce fichu pays ? Je veux que l'on retrouve Mathilde !

Michael regarda le Français, apitoyé :

- Tu ne comprends pas que si les institutions de ce fichu pays, comme tu dis, sont ébranlées, nous n'avons plus aucune chance de retrouver Mathilde ? Ce sera le chaos et on nous chargera, policiers et les militaires, de mater la révolte. Personne ne s'occupera plus de ton élève ! Tu piges, maintenant ?

Arthur poussa doucement la porte d'entrée et se glissa dans le couloir. Tout était éteint mais son instinct lui sommait de rester en éveil. Ali et Josh entrèrent silencieusement dans le bâtiment, à leur tour. Un bruit de cliquetis émanant des bureaux leur fit tourner la tête. Ils distinguèrent des ombres mouvantes. Arthur, le premier, se précipita dans la pièce et atteignit l'interrupteur qu'il actionna. La lumière crue des spots mit à jour les deux acolytes d'Azhar, surpris par l'intrusion silencieuse. Gopal Sanchin chercha vainement un échappatoire alors que Min Yi Er s'avança crânement vers le Français qui n'en demandait pas tant. Il grimpa sur un bureau le séparant du Chinois et, d'un mouvement circulaire et horizontal, lui balança sa jambe à travers la figure. Le choc fut si violent et fulgurant que Min alla s'écraser contre le mur sans même pouvoir esquisser un seul geste.

Gopal tenta de traverser la pièce, en sautant de table en table. Comme un seul homme, et chacun d'un côté, Ali et Josh se détendirent et décochèrent le même coup de pied frontal directement sur la poitrine de l'indien qui recula sans toucher terre de trois mètres et atterrit sur le dos dans un fracas de bois cassé et de métal tordu.

Min se releva et tenta, avec un coup de pied-marteau, d'assommer Arthur qui regardait l'action commune de ses deux comparses. Son sixième sens fit encore une fois merveille et lui permit de faire un pas de côté afin d'esquiver l'attaque et réagit en frappant durement le visage de son adversaire avec son fameux coup de pied direct arrière. Pendant qu'il se trouva, une fois de plus, en l'air, propulsé par la puissance d'Arthur, Min sentit quelques dents s'échapper de sa bouche avec une gerbe de sang. Puis, il s'écrasa le dos contre le mur pour la deuxième fois en trente secondes. Cette fois-ci, Arthur ne laissa pas le voyou sans surveillance. Il s'approcha de lui, enroula son bras autour de son cou et serra juste ce qu'il faut pour l'immobiliser, tout en faisant face à ses amis qui se dirigèrent vers Gopal, groggy.

- C'est bon !, constata Josh. Celui-là ne devrait pas bouger de si tôt.

- Je vais le surveiller, proposa Ali. Vas voir si Arthur a besoin d'aide.

Josh rappliqua vers l'adolescent :

- Ça va, Arthur ?

- Très bien, répondit-il froidement. Et j'irai mieux quand je saurai où se trouve Mathilde.

Sur ces paroles déterminées, il se releva et agrippa le Chinois par le col, la bouche et le nez pissant littéralement le sang.

- Où est la fille ?, questionna-t-il fermement ?

Pour toute réponse, Min Yi Er sourit au milieu d'un flot rouge. Arthur le secoua vivement :

- Tu vas me répondre, oui ?

Édenté, ensanglanté et tout en continuant de sourire, Min répondit, sarcastique:

- Ta petite pute, on l'a tous baisée, espèce de sale bâton à merde blanche. Et après qu'on lui a fait sa fête, on l'a achevée. Ah ! Ah ! Ah !

Le monde disparut.

D'un coup.

Plus rien n'existait.

Le néant.

Les notions du bien et du mal se sont volatilisées.

L'utopie d'une justice rendue en toute équité s'est transformée en une réalité noire et meurtrière.

Arthur est devenu un animal.

Il ne fait plus partie de cette communauté composée d'hommes, dont on pense qu'elle est la plus intelligente, la plus sociable, la mieux organisée ; cette société où il fait bon vivre, finalement, comparée aux différents royaumes d'animaux qui ne se croisent que pour mieux s'entredéchirer et se dévorer.

Ou, plus primaire encore : pour se venger d'un acte perçu comme une agression et potentiellement dangereux pour la horde.

L'instinct.

Rien d'autre.

Tenant toujours le Chinois par le col, Arthur leva doucement l'autre bras.

La réflexion n'est plus car elle ne sert à rien.

Il desserra le poing, lentement pour former une pointe avec ses doigts crispés à outrance.

Action réaction, c'est la loi binaire de la Nature.

Le reste n'est que superflu.

Son regard bleu acier, froid, ne pouvait se détacher du sourire forcé de celui qui savait.

La haine est le seul message assez puissant pour exprimer les conséquences de la destruction de tous ses repères.

Imperceptiblement, la pointe visait la glotte du Chinois. Arthur voyait bien, dans ses yeux, qu'il savait.

Instinct.

Haine.

Vengeance.

Mort.

Les doigts s'abattirent sur sa gorge, déchirant la peau, arrachant la pomme d'Adam, touchant les vertèbres pour revenir aussi vite à leur point de départ. Aucun son. Les yeux ouverts et sans vie du voyou montraient encore qu'il savait qu'il mourrait ; qu'il était mort. Curieusement, le même sourire restait figé. Arthur continuait de le regarder. Sans le voir.Toujours prostré dans sa position d'attaque, comme s'il voulait porter un nouveau coup, au même endroit.

Il nota que cela ne l'avait même pas soulagé.

Chapitre 14

Gopal, profitant de sa position couchée ainsi que de la confusion, allongea le bras vers le tiroir d'une table cassée et l'ouvrit sans bruit pour récupérer le poignard qu'il savait caché dedans. Il fixait le dos des deux étrangers encore absorbés par ce qui se tramait de l'autre côté de la pièce, tout en empoignant fermement le manche.

Ali, encore choqué par la scène à laquelle il venait d'assister, regardait Arthur, ne le reconnaissant pas. Josh se précipita vers l'adolescent, toujours prostré dans la même position. Il prit le bras gauche d'Arthur et lui fit lâcher le corps qui s'affaissa sur le sol dans un bruit sourd. Puis, il s'évertua à lui faire baisser l'autre bras.

- C'est fini, Arthur, murmura-t-il.

Le Français le regarda soudainement, semblant sortir de sa transe. Josh prit son visage entre ses mains.

- Ça va ?

- Oui.

Des larmes s'échappèrent et entreprirent leur descente le long des joues d'Arthur. Josh l'étreignit.

Gopal se leva d'un coup, prit Ali par les cheveux, le tira en arrière pour accéder à son cou et lui trancha la gorge. Le sang jaillit sur un mètre. Le temps qu'il lâche sa victime, il vit Arthur fondre sur lui. Il tenta de placer la lame du poignard entre lui et l'agresseur mais celle-ci valdingua, touchée par un coup de pied chassé qu'il n'avait pas eu le temps de voir arriver. Il sentit les mains de son adversaire pousser sa tête vers l'avant, essaya de résister à la puissance du mouvement, sans y parvenir. Son visage rencontra le genou d'Arthur qui avait amorcé le mouvement inverse.

Crac !

Le corps inerte rebondit après le choc mortel et termina sa course au milieu des bureaux en vrac. Le visage de l'Indien n'était plus qu'une bouillie sanglante.

Josh perçut un mouvement vers la porte et se retourna. La masse musculeuse et sombre était déjà sur lui. Il reçut le coup porté par la paume de l'intrus sur le visage et il ne put recouvrer l'équilibre. Il tenta aussitôt de s'appuyer sur le sol pour se relever. Une lueur. C'est tout ce qu'il put apercevoir.

La machette avait fendu son crâne.

Incrédule, Arthur avait eu à peine le temps de se retourner. Josh était mort. Et son assassin était devant lui, maintenant, l'arme ensanglantée dans la main gauche.

- Azhar !, s'écria l'adolescent.

- Eh oui, c'est moi, mon petit, reprit le Malais. Tu vois, après avoir trucidé ta copine, j'y ai pris goût ; alors, je suis revenu pour t'achever, toi aussi.

La sueur brillait sur son torse nu. Les sillons de sa musculature abdominale faisaient office de rigole naturelle. Pendant qu'il s'exprimait, il arborait le même sourire que son acolyte chinois, amplifié par la cicatrice.

Ce sourire qui avait tout déclenché chez Arthur. Cette grimace qui avait eu le don de le transformer en bête sanguinaire, instantanément ; et le plaçait au même niveau que ces tueurs.

- Tu crois vraiment qu'avec ta machette, tu vas pouvoir ne serait-ce que me toucher ?, l'interpella Arthur.

Azhar regarda l'arme, l'air étonné de l'avoir encore à la main.

- Ça ?, fit il en la levant. J'en ai pas besoin, mon grand, je te rassure. Mes pieds et mes poings feront largement l'affaire.

Il lâcha la machette qui fit un bruit métallique en touchant le sol. Arthur regarda l'arme tomber. C'était le moment qu'attendait Azhar pour attaquer.

Après deux pas d'élan, il entama une détente verticale et profita de la force d'inertie ainsi créée pour étendre sa jambe à l'horizontal et toucher le front d'Arthur avec son talon. Le coup fut rude mais le front n'était sûrement pas un point vital. Après avoir encaissé, Arthur tourna sur lui-même et se positionna dans une attitude défensive, prête à parer la prochaine attaque. A son grand étonnement, celle-ci ne vint pas.

Azhar, retombé sur ses deux pieds, se demanda comment celui qu'il considérait comme sa prochaine victime avait réussi à résister à son attaque fulgurante et surpuissante.

- Tu me prends vraiment pour une bille, hein ?, réagit Arthur. Ce sera ta dernière erreur avant de crever.

33 commentaires:

  1. Salut aristide, ne serait ce pas une nouvelle légèrement autobiographique par hasard? Je suis assez curieux de connaitre les principes du taekwondo.
    au plaisir de te lire

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  2. LOL Jpex. En effet, je connais tres bien le monde du Taekwondo...

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  3. Salut Aristide,

    Je constate que tu détiens de nombreux talents (écriture, Taekwondo et trading!!!).
    Bravo et merci de partager tes écrits avec nous....vivement la suite!!!

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  4. Vous retrouvez la suite de la nouvelle d'Aristide via un lien à droite (en haut) de cette page => La nouvelle d'Aristide "Pas de retour"

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  5. Salut tout le monde et merci à Aristide pour ce RAV très sympa et très bien écrit. moi aussi j'attends la suite...

    Je m'en suis délecté et comme jpex, je pense qu'il doit y avoir une certaine dose d'auto biographie la dedans :)

    Bonne soirée

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  6. y a t'il quelqu'un qui a prévu un petit topo pour demain ? sinon je peux..

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  7. mamamia quelle castagne, sans protection c'est la fracture de cotes ou du sternum assurée. Que la force soit avec arthur.

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  8. LOL, Jpex. En effet, apres ce coup, le gars avait du mal a finir le match. Ce coup a donne 2 points a Arthur ; ce qui lui a permis de gerer la fin du combat, sans encombre... et recuperer la medaille d'or dans sa categorie...

    ;O)

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  9. Finalement je n'ai pas pu attendre ,cette lecture m'a fait un bien fou .
    Le monde des Arts Martiaux , et le rapport du Maitre à Disciple .
    Il faut trois choses pour trouver la voie des Arts Martiaux ; Un bon maitre , un bon disciple et une bonne doctrine.
    les voila reunies dans ces ecrits ,merci Aristide
    pour ce plaisir d'evasion.

    PS: le jumping back , (j'appelle ça "le coup de pied de cheval") , ça passe à tous les coups ,
    si c'est au bon moment ! (lol)
    Une jolie video , bien en danseuse ,avec du repondant , il y a du travail derriere tout ça !
    Bravo Aristide

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  10. Moi, ce qui me ravit, c'est de trouver un blog de trading de qualite ou l'on peut partager nos idees et s'aider mutuellement et, au detour d'une conversation, de rencontrer des intervenants specialistes et passionnes dans d'autres activites ; et, ainsi, apprendre encore plus...

    Chapeau bas !

    ;O)

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  11. Chapeau Aristide, j'en demande encore !!!. Tu es prêt pour te trouver un éditeur.

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  12. C'est tres gentil, Lybou mais je n'ai pas cette ambition d'etre edite. C'est juste pour le fun.

    ;O)

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  13. Le Durian ,lol de lol !!
    c'est une infection !
    A Bangkok , dans le metro , il est ecrit "no durian" .
    C'est un peu l'equivalent de notre camembert bien fait pour les Asiatiques.
    ça fait penser à une odeur de pieds aussi .

    Bonne continuation ,et merci Aristide

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  14. ouais , ça commence à se durcir...
    Qq fois , les Asiats ont vraiment des tetes de tres mechants , et generalement le sont aussi !

    Vivement la suite !

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  15. Oui Paul, idem a Singapour : le Durian est interdit dans les bus / metro et taxi. Et s'il te prend de le transbahuter dans ta voiture, tu es certain de ne plus pouvoir la revendre... LOL.

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  16. Excellente cette lecture ,je me laisse partir en ambiance "Asie" ,et franchement ça me fait rever ,et l'envie d'y retourner !
    Merci a toi.

    Ha ,ha ! ,tu y a gouté au durian ?
    perso jamais ,mais on m'a expliqué qu'au bout de 2 ou 3 X , tu apprenais à apprecier son gout.
    Finalement j'aurais dut essayer... ,je dis ça parce que ça fait longtemps que je n'en ai pas sentit !
    C'est la meme chose que si tu voulais leur faire manger du camembert bien fait ,ou du Maroile ,ils te prennent pour un fou ,poliment , mais quand meme ! lol!!

    Bonne continuation !

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  17. Salut Paul,

    Oui, j'ai gouté au Durian et, fort heureusement, c'est meilleur au gout qu'a l'odeur (LOL). Malgre tout, je préfère un bon calendos puant...

    ;O)

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  18. Bonjour Aristide ,

    houla ! ça va chauffer !

    ça me rappelle cette histoire , d'il y a qq années ,je ne sais plus dans quel pays (Turquie , je crois, à Istanbul) , où un champion de boxe Thai Français faisait attirer ses victimes par un tiers dans un parc ,pour les devaliser à coups de low kicks.
    On en revient à la meme chose , sans une bonne doctrine , un art martial n'est plus rien d'autre qu'un projectile lancé au hasard dans une foule.
    C'est vrai que c'est un monde où on peut rencontrer des personnes extraordinaires, pas seulement par leurs capacités physiques mais aussi par la profondeur de leur pensée ,mais aussi des charlatans et de vrais salopards assoiffés de violence.

    Merci Aristide pour cette lecture toujours aussi
    agreable .

    Et bravo pour le durian ! lol

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  19. le dimanche , sur NT1 , je regarde (depuis peu) ,
    "man VS wild" ,un taré qui se jette dans de l'eau glacée, au milieu des icebergs , pour montrer comment s'en sortir ,ou marche sur un volcan à Hawai ,et ses semelles prennent feu !
    Qq fois , il prend de vrais risques ,mais je me demande où il trouve de l'eau ,(du moins suffisamment pour s'hydrater comme il faut).

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  20. C'est vrai, Paul. Mon instructeur disait toujours a ses etudiants, quand ils se comportaient mal : "Tu es bon et cela m'inquiete. Je ne veux pas faire de toi un danger pour la societe." Je peux vous dire que ca calmait les momes de 12/15 ans et ca les faisait reflechir... Il savait y faire, au niveau psychologique, cet instructeur (7 DANS, quand meme... Ca pose...)

    ;O)

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  21. hello les zamis, le type de man vs wild boit son urine ou l'applique sur sa tête pour le refroidir (!!!!) mais à mon avis certains trucs sont pipeautés. C'est quand même un sacré jackass

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  22. @ Jpex
    il a bu son urine ? - MDR !!
    en meme temps , si tu as vraiment soif...
    ouais , un jackass !
    je pense aussi que c'est "pipeauté" ,l'equipe qui le suit a bu son urine aussi alors ?
    Et elle est bien obligée de le suivre ,perso ,sauter de 20 m dans la flotte , sans savoir si il y a un rocher ,c'est niet ,en meme temps , ce coté jackass m'amuse aussi , tu viens de me le faire realiser ,lol!!

    @ Aristide ,je viens de te lire avec plaisir et j'ai pris du bon temps ,je trouve qu'on visualise bien "Josh" ,merci à toi.
    Vivement la suite !

    Essayer ? Pfff , faut vraiment avoir soif ,en meme temps ,c'est situation combat pour survivre ,et peut etre (il faudrait l'avis de Jpex) ,que meme avec l'acide urique ,mieux voit
    boire son urine que de l'eau croupie .
    Je vais vous raconter un truc , quand je bossais comme bucheron dans les Ardennes en hivers , en foret ,et sans gants (j'etais en formation),il m'est arrivé plusieurs fois de m'uriner sur les mains pour les rechauffer ,et j'etais content !!
    (et surtout , j'avais 20ans ...)

    A bientot dans ce RAV d'Aristide super sympa !

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  23. oula , vas y avoir une mauvaise rencontre par "Azhar" ?

    toujours aussi sympa ,vivement la suite
    Merci Aristide

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  24. He, Paul ! Laissons le suspens dans l'air... ;O)

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  25. Hello Aristide ,
    je viens de te lire , et ça fait un bien fou de changer de monde et de faire une coupure.
    ça faisait longtemps que je ne t'avais lu !

    "alerte interne" ,ce sentiment qui devient instinctif au fil des années , et nous evite souvent bien des embrouilles , et nous permet de jauger des personnes au-delà de leur simple apparence , à leur contact propre ,avec un travail meditatif ,de compassion et d'attention
    je pense que nous (simples personnes insignifiantes par rapport à certains grands maitres ou Lamas )pouvons acquerir le troisieme oeil , la vue au-dela de la vue ...

    Je continu d'apprecier tes ecrits et les lit avec plaisir.

    Sinon, sportivement ,je me renforce le genou , travail de longue haleine , suite à une rupture
    du Ligament croisé anterieur , opéré ,mais je ne retrouve pas la velocité que j'avais avant (meme si je n'est jamais été un champion ,j'avais du repondant dans la categorie pieds/poings).
    Donc , adieu le Jujitsu (j'allais passer le 1er dan) pour mettre laissé tombé plutot que de risquer de faire mal à un jeunot de 12 ans ,et
    j'espere attaquer du karaté en septembre pour avoir au moins un 1er dan !
    Apres , je me consacrerai aux arts internes (Yi Chuan-que j'ai deja pratiqué (valable en combat)) , et me retirer dans un monastere Tibetain en Dordogne , apres avoir appris le Sanscrit en Auvergne.
    Tout cela est bien loin de la bourse et du materiel...
    Tes ecrits me remettent dans l'esprit et me rappellent certaines sensations , et du coup me donnent l'envie d'aller au bout de mes reves.
    Pour tout ça , je te remercie Aristide

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  26. Bien que le Karaté , je l'avoue ne me passionne pas , il y a toujours des choses à apprendre et les enseignants sont interessants.Je ferai sans doute du Kendo en parallèle .
    Tes ecrits me rappellent des sensations mais aussi une ethique de vie.

    Vivement la suite des aventures d'Arthur -il a pris un mauvais coup , là !

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  27. Paul, je suis impressionné par ta ferveur. Je t'admire, sincèrement. De mon côté, depuis mon retour en France, je n'ai rien fait, rien pratiqué et perdu toute discipline mentale et physique. Ton exemple m'inspire : je vais me ressaisir.

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  28. Aristide , je viens de lire la suite des aventures d'Arthur ,c'est chaud !!
    c'est drole comme on s'attache aux personnages , j'espere que la vengeance d'Arthur sera terrible.

    Aristide ,je t'en prie ,tu sais j'ai bcp perdu par rapport au niveau que j'avais en Juji depuis mon pete au genou et je recommence à donner des coups de pieds dans un sac ,mais c'est tres loin du free fight à la Jujitsu.

    Si tu veux tester qq chose de dur , autant pour l'esprit que pour le corps ,lances toi dans la "posture de l'arbre" , (tu auras tous les renseignements sur le net) et tu me demandes si tu as besoin.
    1 minuteur et pendant la 1ere semaine 5mns/jour
    1j/2 ,la semaine suivante 10 mns , etc...
    Tu ressentira des douleurs aux genoux qui partiront rapidement.
    Objectif , 45 mns/jour !
    Tu en ressentira les bienfaits psychologiques et physiques au bout de +- 2 mois.
    Tu vas voir , 5 mns , ça peut etre long , tres long...
    Les difficultées : tenir sans bouger , face à sois meme ,relacher certains muscles pour les reposer au profit d'autres ,etre completement detendu.
    L'avantage et le but : ça ne fait pas travailler
    le cardio vasculaire ,ce qui permet un travail interne de l'esprit vers l'interieur du corps .
    Produire de l'energie sans la depenser , comme on charge une batterie .
    C'est là le debut du travail sur l'explosion d'energie instantanée .
    En partant du principe que si tu es deja à 90% ,il ne te reste que 10% pour etre à 100.
    Alors que si tu passes de 10% à 100% d'un seul coup , l'impact sur ton adversaire est enorme .
    Essayes et perseveres , car c'est vraiment dur.
    Avant de commencer le Juji , quand je faisais du Yi Chuan/Da Chen Chuan , je le faisais 45 mns/jour ts les jours sans efforts , ni voir le temps passer (je te le dis pour t'encourager et pour que tu saches que c'est possible)
    Cet exercice de meditation posturale fait partit
    des exercices prodigués par Bodhidarma ("Da Mo" en Chinois)lorsqu'il arriva au temple de Shaolin
    et trouva les moines en si piteux etat , dut aux pratiques de meditation ascétiques , et les remit en forme. Ce qui par la suite et des années plus tard ,donna naissance au "Wu Shu" .
    Je t'encourage à essayer et à perseverer ,les resultats sont tres positifs tant pour le corps que pour l'esprit.
    Si tu as besoin de conseils , tu peux passer par mon adresse mail sur le blog (en cliquant sur mon pseudo).
    Essaies , et tu vas retrouver ce que tu penses avoir perdu.

    Merci pour tes ecritures qui m'ont encore emmenées vers un autre monde.
    A bientot

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  29. Merci Aristide pour ce bon moment passé à te lire.
    Vivement la suite !!
    A bientot
    François

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  30. Encore une belle suite , le final risque d'etre explosif !!

    Merci à toi Aristide ,tu as un reel talent d'ecriture qui tient le lecteur en haleine.

    La creativité fait aussi partie de la voie des Arts Martiaux , bravo à toi !

    François

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